Forces du chaos contre la démocratie Les combats d’arrière-garde des retardataires de l’Histoire

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Dernère publication

En faisant ouvertement et librement campagne pour une transition ,

– alors qu’il y a un parlement qui fonctionne et au sein duquel il siège lui-même ,
– alors que la justice fonctionne et qu’elle lui donne raison depuis toujours face à ses détracteurs, et qu’il existe grâce à cette justice,
– alors que les médias fonctionnent et sont libres malgré leurs difficultés et leurs aspirations à plus de liberté , malgré également les attentes insatisfaites des lecteurs ;
– alors que les travailleurs du public et du privé sont à leurs postes
– alors que les églises et mosquées travaillent
– alors que les bars , maquis , les sports et autres marchent
– alors que les frontières terrestres , aériennes et maritimes ne sont pas fermées …. ,
– alors que la grève des fonctionnaires et la mutinerie qui ont servi de prétexte à la proposition sont derrière nous ; le Président du Fpi ne perpétue-t-il pas un sentiment de malaise dans le pays ? Ne fait-il pas le pari de ce que les tensions ne sont pas finies et qu’il ya en l’air le risque d’un brusque d’un retour en arrière marqué par la violence, l’insurrection populaire et civile ou tout simplement un coup d’État ?
Ceux qui ont voilement manifesté contre la tenue du référendum en novembre 2016 ; ceux qui avaient manifesté contre la présidentielle en 2015, ceux qui trouvent longue et lointaine mais surtout inacceptable les circonstances de l’élection à venir en 2020 , ceux qui réclament le pouvoir au peuple sans aucun égard pour cette autre partie du peuple qui est représentée par l’actuel sont toujours aux aguets , au moment où Affi réclame sa transition.
Ils sont tapis dans l’ombre, et n’attendent que la moindre occasion pour rebondir sur l’argument de l’illégitimité et de l’illégalité du régime en place ? En réclamant un gouvernement de transition même sans leur appui, Affi N’Guessan n’apporte-t-il pas de l’eau à leur moulin ? La posture pose problème parce qu’elle émane d’un acteur politique qui a participé à la présidentielle de 2015 et aux dernières élections législatives ; un processus que la requête d’une transition remet en cause . Affi N’guessan donne l’impression d’avoir fait le choix de refuser la perspective d’une compétition et d’une alternance démocratiques à l’échéance de 2020. Même sans oser aller demander pardon à ses adversaires au sein du Fpi , il semble pourtant , avec sa revendication d’un gouvernement de transition , bien leur donner raison. Sangaré Abou Dramane et les ” Gbagbo ou rien ” , ont le mérite de la cohérence et de la constance : depuis le début ils ne veulent pas de Ouattara. Ils sont tout sauf Ouattara (TSO ). Ils ne disent pas OUI mais , ils ne font pas semblant d’être d’accord avec lui comme Affi , pour chercher ensuite à lui planter un couteau dans le dos. Ils assument leur rejet de sa politique hier , aujourd’hui et demain. Ils n’ont pas en main tous les moyens de leur politique, ni le contrôle du Fpi , l’instrument de la lutte , mais ils ne savent pas tergiverser ! Ils n’ont certes rien obtenu ni fait avancer leur cause, mais à ce moment du bilan , au moment où Affi réclame une transition, ils peuvent lui poser la question : qu’est ce qu’il a gagné ? Qu’est-ce qui n’a pas marché ?
Autre question extérieure : quelle est la différence entre eux qui ne veulent pas de Ouattara depuis toujours et un Affi qui réclame une transition qui signifie également une mise à l’écart de Ouattara , un Affi qui les jours pairs semble en phase avec la légitimité de Ouattara , mais qui les jours impairs réclame états généraux et transition ?
En agissant ainsi , Affi Nguessan ne rejoint-il pas le camp des forces de l’instabilité, celui des forces du chaos qui travaillent à bouleverser l’ordre constitutionnel en cours , au lieu de travailler à obtenir des conditions d’une élection transparente en 2020 ?
S’engager dans la revendication d’un gouvernement de transition alors que les institutions fonctionnent normalement, c’est faire le choix du raccourci et d’une perturbation de l’agenda démocratique, c’est faire le choix du laisser-aller , d’une irresponsabilité collective. Car on aura encore un gouvernement avec toutes les forces vives et politiques, marqué par une absence de contrepoids et d’opposition. Dans cette transition rêvée, on aura toutes les forces vives sociales et politiques du pays qui vont s’associer pour gérer le pouvoir . Qui jouera alors le rôle d’opposition pour attirer l’attention sur les dérives éventuelles de cette transition?
Peut-on dire que la transition militaire de 2000 et les transitions “Gbagbo-Diarra”, “Gbagbo -Banny” , “Gbagbo-Soro” ont vraiment mis le pays à l’abri des crises ?
Pourquoi ne pas laisser Ouattara poursuivre et assumer seul son succès ou son échec s’il y a ! Pourquoi Affi donne-t-il le sentiment d’être en mission pour Ouattara avec son projet de gouvernement de transition ? Ainsi selon ses détracteurs, il cherche à offrir une porte de sortir à Alassane Ouattara qui ayant formé un gouvernement de transition, pourrait rejeter sur un tel gouvernement la responsabilité d’un échec éventuel !
Pascal Affi N’guessan qui s’apprête à tourner la page Fpi et Gbagbo en laissant entendre qu’il va changer le nom du Fpi , abandonnant ainsi à Sangaré le nom du parti créé par Laurent Gbagbo , devra mieux clarifier ses options politiques s’il veut exister durablement et tirer davantage de dividendes de son opposition à Ouattara , aussi bien dans le cadre d’une transition, que des élections démocratiques en 2020. Mais en réalité Affi N’guessan ne fait que tenter de surfer sur du sable mouvant, par pur opportunisme. Sa revendication d’une transition fait suite à la mutinerie et à la grève des fonctionnaires. Au-delà de l’attitude d’Affi N’guessan, il reste très préoccupant de constater la fragilité de notre démocratie et l’absence de contrepoids véritables, face à des menaces insurrectionnelles et à des dérives dictatoriales.
Aux États-Unis, tout le monde voit comment la justice tente de redresser Donald Trump, à la suite des médias et d’autres personnalités intérieures et extérieures. Tout le monde voit aussi comment dans notre sous-région la Cedeao et , au-delà l’Union africaine et la Cpi constituent des instruments de lutte contre les abus et l’impunité.
Et pourtant, il reste inquiétant que très peu de conscience se soient ouvertement et fermement élevées en Côte d’Ivoire , contre l’usage de la menace des armes par les mutins , alors que justement la troisième République prescrit et criminalise clairement les coups d’État et l’usage des armes. Il y’a urgence de re-définir notre modèle démocratique qui reste si fragile ; un modèle qui n’eût été l’envergure du Président Ouattara (mais aussi sa salutaire fermeté dans l’ouverture à l’égard des fonctionnaires) aurait pu s’écrouler, réduisant à néant tout ce qui a été accompli, toutes ces perspectives vers l’émergence ! Il se trouve toujours malgré l’accalmie relative , nous ne sommes pas totalement à l’abri d’une rupture brutale car nous semblons ne pas disposer d’une vraie société civile et de véritables remparts pour sauver la démocratie de façon spontanée ; nous ne sommes pas à l’abri , car bien de gens souhaitent toujours un brusque retour en arrière, rêvent de transition , refusent qu’enfin en 2020 , il y ait un passage de témoin pacifique entre le Président Ouattara et son successeur qui peut bien ne pas être de son camp , comme au Ghana ou aux Usa récemment !
Ce type de passage de témoin pacifique n’a jamais eu lieu dans le pays pour cause de décès d’Houphouët, de coup d’État contre Bédié et de crise post-électorale avec Gbagbo. Tout le monde n’est pas prêt pour vaincre le signe indien. La transition, la mutinerie, les revendications sociales intempestives participent du même mouvement chaotique qui conduit à l’insurrection et à l’affaiblissement de la démocratie, en portant justement s’agissant de la transition et des revendications, les habits de la démocratie ! Il ne s’agit pas de démocratie, il s’agit d’un combat d’arrière-garde des retardataires de l’histoire !
Charles Kouassi

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