6 ans après le 11 avril 2011, que nous reste-t-il vraiment : les vieux démons toujours là….

2723

Dernère publication

Le 11 avril 2011 marque une date importante dans l’histoire politique de la Côte d’Ivoire : Laurent Gbagbo est capturé , c’est le début de la fin de la partie armée de la crise post électorale , Alassane Ouattara peut enfin être officiellement investi Président de la République.

La grave crise post-électorale aura fait plus de 3000 morts et conduit l’ancien Président Laurent Gbagbo à la Cour Pénale Internationale.

Le 11 avril 2011 peut se lire sous plusieurs angles .

* La “révolution” politique : Alassane Ouattara, le candidat du RDR est élu. Il bat le président sortant, candidat du FPI, le parti au pouvoir, après avoir devancé, au premier tour, Henri Konan Bédié, le candidat du PDCI, le plus vieux parti-politique ivoirien fondé par Houphouët-Boigny, le Père de la nation. Cette “révolution” politique va se poursuivre en 2014 avec l’Appel de Daoukro, lancé par Henri Konan Bédié, qui voit le PDCI s’effacer au profit de la candidature unique d’Alassane Ouattara, qui sera réélu au premier tour en 2015.

* La “révolution” culturelle : Bédié et Ouattara, à travers la coalition du RHDP, souhaitent aller jusqu’au bout d’une révolution culturelle qui verra le RDR et le PDCI se fondre en un parti unique. En 2020, dans leur esprit, le candidat sera issu du RHDP, ni le RDR ni le PDCI n’aura à s’effacer au profit d’un candidat, puisqu’ils n’existeront plus. Seul existera ce parti unique, le RHDP ou sous un autre nom, peu importe. Esprits visionnaires, Bédié et Ouattara voient dans la création de ce parti unique la garantie d’une stabilité politique et le moyen de mettre fin aux vieux affrontements partisans ethniques, tribaux ou géographiques. Les RDR ne sont-ils pas, tous, des anciens PDCI ? Aux législatives aussi bien en 2011 , qu’en 2016 , le RHDP-ce qui conforte la vision de Bédié et Ouattara- va remporter toutes les élections.

On assiste alors à l’avènement de la IIIè République.

[ Le pouvoir politique victime d’une vision trop politicienne ]

Mais, comme tous les gouvernements enfermés dans une vision trop politicienne, les partis au pouvoir ne voient pas se multiplier les fractures au sein de la société ivoirienne, comme ils ne voient pas monter la grogne sociale, ni les revendications des ex-rebelles. Le RDR, qui détient la puissance politique, financière et militaire, est déconnecté du pays réel, c’est-à-dire qu’il ne voit pas les difficultés de la vie quotidienne auxquelles sont confrontées les populations. Donnant l’impression d’être affaibli, le PDCI ne semble pas en mesure d’obtenir un partage plus juste du pouvoir , et ne parle plus de réglages.?Les autres partis, membres du RHDP, ont présenté leur propres candidats aux législatives de décembre 2016. Leurs dirigeants ont été éjectés du gouvernement. De nombreux candidats indépendants ou dissidents ont été élus députés, contre le candidat officiel RDR ou PDCI.

Grogne sociale, dissidence politique, Bédié et Ouattara bousculés par les « noyaux dur » de leur camp, climat délétère dans la perspective de 2020, corruption qui n’est pas jugulée, tout ceci montre que, malgré de nombreuses avancées et une réussite incontestable au plan économique, toutes les leçons de la crise des années 2010-2011 n’ont pas été tirées. On a l’impression, au contraire, que le pays s’enfonce dans une crise politique et économique dont les Ivoiriens connaissent les dangers.

[,L’impensé radical : la réconciliation nationale ]

Dans son discours inaugural, lors de la première séance parlementaire de la IIIè République, le lundi 3 avril, le Président de l’assemblée, Guillaume Soro s’est attardé sur le pardon et la réconciliation nationale.

Guillaume Soro, sait que les Ivoiriens en ont assez des slogans de l’émergence, des discours sur les voyants de l’économie qui sont tous « au vert ». Il sait que le pays réel peut être en rupture avec le pays politique.
Il sait que la Côte d’Ivoire est un pays riche dans lequel un Ivoirien sur deux peut pourtant vivre en dessous du seuil de pauvreté. Il voit les chiffres impressionnants de l’abstention aux élections. Or, parmi les leçons de crise post-électorale de 2010, le pouvoir n’aura pas su avancer suffisamment vite sur le chemin de la réconciliation nationale et du pardon. L’acquittement de Simone Gbagbo pour crimes contre l’humanité, alors qu’elle reste en prison pour atteinte à la sureté de l’État , vient ajouter à la confusion qui règne dans les esprits. Les « Gbagbo ou rien » en concluent que Laurent Gbagbo est innocent et demandent sa libération. Beaucoup d’Ivoiriens considèrent qu’ils sont exclus du partage des fruits de la croissance à cause de cette réconciliation inachevée. Comment parler de destinée commune, si les rancœurs demeurent ? Les leçons de la crise de 2010 sont loin d’être tirées. Est-ce le moment, pour le RDR et le PDCI , de se lancer dans une guerre fratricide qui se dessine clairement ? Est-ce le moment, pour le FPI, de rester divisé ? Est-ce le moment d’attiser les haines qui favorisent la manière irrationnelle de faire de la politique ? La Côte d’Ivoire a besoin de paix et de stabilité politique, comme elle a besoin d’un meilleur partage des fruits de la croissance. En ce 11 avril 2017, 6ans après le début de la fin d’un calvaire ( et du début d’une longue errance pour d’autres ), nous semblons oublier d’où nous venons; nous semblons vouloir encore croire que il n’y a rien en face , alors qu’en face , et surtout en nous , il y’a encore les vieux démons. Avec des tentations innommables pour l’heure qui se profilent à l’horizon.

Wakili Alafé

Commentaire

PARTAGER