Contribution Discours inaugural du Président Soro : la « mondialisation extrême » et les politiques africaines d’émergence

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Mon premier rendez-vous avec l’émergence en Afrique le fut dans la ville cosmopolite de Bobo Dioulasso. La campagne présidentielle de 2010 battait son plein et les affiches du président candidat Blaise Compaoré portaient un narratif : Pour un Burkina Emergent. Puis vint la mise en route des politiques d’émergence du Président Ouattara avec son avènement au pouvoir en 2011. Du Sénégal au Cameroun, les dirigeants ont des yeux de Chimène pour l’Emergence. Et puis le narratif programmatique fixe la date de 2020 dans le discours de certains officiels tandis que d’autres, prudence et lucidité obligent, affirment la Côte d’Ivoire émergente vers l’horizon 2020. Les convenances langagières relatives à l’invocation du mot d’horizon finissent par réveiller les somnambules qui auraient aimé voyager dans le train de l’émergence pour le Terminus isotopos. L’horizon est chargé d’incertitudes. Le phénoménologue husserlien y voit des brumes que la rosée matinale peut échouer à décanter. Il s’ensuit que le lucide analyste est dans l’obligation de pratiquer la suspension épochale pour ne pas se faire abuser par le torrent d’incertitudes qui en rajouteraient à notre illusion descriptiviste initiale parce que commençant.  Il y a aussi que l’Afrique lors même qu’elle est l’avenir de la prospérité du monde n’est point seule au monde. Aussi avons-nous, instamment besoin de notre identité politique, de nos choix pragmatiques comme de notre politique de civilisation. Le Président Guillaume Soro Kigbafori déploie sa vision de la tranquillité démocratique, de sa politique de civilisation au service du bonheur du citoyen ivoirien. De fait, comme l’Afrique est la nouvelle frontière, c’est précisément qu’elle est la redécouverte de la mondialisation économique qui, elle-même est le destin du gain global se déployant partout où son envol multiplicateur est probable voire escompté. On ne peut prendre son envol du développement qu’à partir de son propre socle de vision et d’attentes, jamais d’une théorie générale, charmante soit-elle. La mondialisation économique est liée à la texture même du capitalisme. Marx au 19e siècle le constatait avec une belle intuition. Puisque, ne variatur, le capitalisme est coextensif au défi relevé perpétuellement de la contrainte à l’innovation pour survivre. Pessimiste, Marx en concluait que le capitalisme creuse sa propre tombe.
Le Très Honorable Guillaume Soro Kigbafori traite de la mondialisation extrême dans son Discours Inaugural. Ce prélude à l’Année du Pardon et de la Réconciliation, cet an de grâce 2017 après l’Année sociale 2016 toujoursavec une élégance politique qui décomplexe les subjugués des narratifs africains relatifs à l’émergence de type programmatique et statistique. Je vous épargne l’analyse du radical « Mer » pour n’être pas obligé d’immerger, émerger comme l’éléphant des mers pour conjurer la submersion, la nôtre, de nos émotions produites par les promesses et attentes pendantes. Le regretté Professeur Mezzadri en parlait avec une ces fulgurances qui arrachait les gens de leur imbécillité précédente. Relisez-le si vous voulez accéder à l’ascèse philosophique. Je vais décrypter ce grand discours présidentiel en quatre remarques essentielles sur le binôme mondialisation économique vs émergence et le destin de liberté du peuple ivoirien et ce temps « de plus redistribution » que le Président Guillaume Soro Kigbafori appelle face à la « demande sociale plus élevée » corrélée à « notre forte croissance ». La saison des moissons, pourrait-on dire depuis Ferkéssédougou, est celle du partage équitable voire solidaire pour que personne ne soit oublié au bord de la route. Puisque l’émergence est un processus, pas un topos.
1.Que le développement est un processus historique aux mains des peuples pour se réaliser et poursuivre leur quête du bonheur. De ce constat, le Président Thomas Jefferson a pu dire que le Gouvernement démocratique doit accompagner les citoyens sur le chemin de la poursuite libre de leur bonheur. Il s’ensuit que la mondialisation économique advenue comme mondialisation néolibérale dans laquelle seules les statistiques heureuses des Happy few, ceux obsédés par « la violence et la cupidité » entretiennent un narcissisme abject, est fondamentalement inapte à créer les richesses. Puisque ces cupides que les Anglo-saxons nomment bien illiberal déplacent des fonds virtuels d’une bourse à l’autre au point où les bourses ne financent plus l’économie réelle. L’espace UEMOA doit alors s’assurer de mener des réformes qui fassent que la Bourse d’Abidjan finance, stricto sensu, l’économie réelle de notre espace. Les plans de développement ou d’émergence, si l’on préfère, doivent impérativement intégrer ce que Le Très Honorable Guillaume Soro  Kigbafori baptise le binôme intérêt supérieur de la nation et le bien-être des citoyens ivoiriens. La cohésion sociale est un capital humain essentiel quant à la foi du citoyen en son avenir, en l’avenir de son pays, dirigé par une classe politique de sagesse, de vision de développement non extravertie et de souci constant de l’obtention du maximum d’optimum social entre les citoyens égaux et traités scrupuleusement comme tels. De ce fait, la cohésion sociale a rapport avec la paix et la stabilité politique. Les injustices liées aux choix tribal, régional, clientéliste ou préférentiel génèrent des déséquilibres socioéconomiques handicapants les ressorts de création des richesses et subséquemment la redistribution.
2. Il urge donc de déconnecter, merci au doyen et économiste émérite Samir Amine, les plans de développement des enflures néolibérales mondialisées qui reproduisent soit le recyclage de l’argent de la bulle qui fait des enfants tout en étant infécond-pas de création de richesses, ni de dynamisme économique- soit le pillage des ressources par des multinationales qui se soustraient habilement de la fiscalité nationale avec le légendaire concept d’optimisation fiscale. Et puis, les plans de développement échouent bien souvent à donner la chance aux pmi-pme ivoiriennes ou africaines lors même que les firmes internationales se gardent bien de procéder aux transferts de technologies, de tous savoirs avec un fort coefficient d’innovations. Il se trouve que les conclusions de la dernière conférence sur l’émergence tenue à Abidjan a consisté à vanter la vision technicienne de l’émergence qui reste, il faut le souligner, à la remorque de la mondialisation néolibérale ou mondialisation mal libérale. L’Afrique risque fort de courir derrière la conception mal ajustée et des plans d’émergence mal fagotés. Pourquoi ? Parce que ces plans extravertis prétendent, circularité oblige, régenter un train de réformes des institutions publiques aux fins de les rendre compatibles aux exigences de l’émergence, dogme des dogmes. Il y a confusion entre politiques publiques mal
libérales appelées processus d’émergence et contrainte économique usuelle à l’innovation socioéconomique comme contrainte institutionnelle intrinsèque au capitalisme. Seule cette contrainte institutionnelle est porteuse de transformation structurelle de l’économie et subséquemment productrice de croissance inclusive, durable. Parce que cette contrainte est celle de l’économie réelle qui est soutenue par les populations dans leur quête du bonheur. Il ne s’agit donc pas d’une apologétique extravertie et bureaucratique Top down d’autant plus que cette dernière ne reproduit que le rêve des révolutionnaires professionnels de la Révolution d’Octobre 1917 conduite par Lénine en Russie. Faire le bonheur des gens à leur place. L’émergence comme d’une camisole de fer pour Eudomonia.
3. Que l’appel de la Conférence d’Abidjan aux pays africains à proposer des solutions opérantes pour une meilleure gouvernance des institutions publiques ne peut aboutir sans l’approfondissement du principe démocratique et la gouvernance citoyenne par les élites dans la transparence et la redevabilité, rendre compte, les mandants le sont à la fin de leur pouvoir de représentation. Le tribunal suprême, n’est-ce pas « l’intérêt supérieur de la nation et du bien-être des citoyens » ? Que ce tribunal moral ne concerne que ceux qui ont une forte attache à leur terroir, à leur communauté nationale et au Bien commun. Bref, cet appel des Conférenciers d’Abidjan n’a d’écho qu’auprès exclusivement des patriotes africains. Pas l’inverse. Puisque les adeptes de la mal mondialisation, celle qui déleste précisément les peuples des lieux d’exercice de leur souveraineté au profit des firmes transnationales ne peut que ruiner les droits démocratiques sans parvenir à créer la prospérité, a fortiori, la redistribution et ultimement le mécanisme de solidarité nationale, le modèle social africain.  Aussi a-t-on vules vaillants Wallons contre l’accord CETA, les accords de partenariat avec les pays africains dans l’opacité et les pétitions des citoyens allemands sur la Constitutionnalité de l’accord CETA devant la Cour Constitutionnelle allemande). En rappelant lesdéputés ivoiriens à leur responsabilité de représentation morale et intègre de l’intérêt supérieur de la nation et du bien- être des Ivoiriens, il y a comme le rappel de l’autonomie –écoute et relai vigilant du peuple) et de l’amplitude du pouvoir législatif qu’aucun plan de développement ne doit consister à ébranler ni son équilibre, ni la séparation des pouvoirs. La plainte des citoyens allemands visait ce fait. C’est aussi ça, la mondialisation des émotions démocratiques et engagements des citoyens contre les nouvelles servitudes mal libérales du libre-échangisme tous azimuts. L’on se rappelle que la Cour Constitutionnelle allemande avait en octobre 2016 « autorisé Berlin à signer l’accord CETA, sous conditions ». La violence et la cupidité que le Président Guillaume Soro Kigbafori dénonce chez certains des citoyens et dirigeants ivoiriens comme compromettant l’embellie relève de cette sagesse procédurale et interpellative sur les devoirs d’intégrité, de culture de la qualité du lien de représentation de la nation et aussi de cette capacité à défendre le Bien commun, le droit au bien-être des citoyens conféré par la Constitution. Qui sait si ce n’est pas là le meilleur antidote contre le retour des leaders populistes qu’évoque le discours inaugural présidentiel. Ailleurs, les citoyens ont exprimé « leurs craintes de la mondialisation économique  que du système des inégalités sans cesse croissantes ».Un discours majeur, une vision d’un destin national pour un enjeu de responsabilité et de redevabilité républicaine.
4.Qu’enfin la libéralisation extrême, synonyme de pertes d’emplois, perte de marchés, délocalisations, faillites etc. doit être régulée sur les exigences de l’ « épanouissement personnel ». Ceci n’est possible qu’à la condition expresse de réguler souverainement les enflures pouvoiristes frivoles et instrumentales des mondialisateurs, mot cher à Ki-Zerbo. La régulation populaire est donc la chute des apparatchiks du système partisan et le réveil des peuples qui actent des solutions populistes. Mêmes simplistes, il s’agit d’un rappel de la souveraineté des peuples du monde. Les nomenklatura oligarchiques sont tombées pour avoir engraissé la détresse démocratique. Les leaders d’audace et les Outsider qui ont gardé le lien indissoluble avec le peuple et les attentes des populations sont de retour. Le retour de l’histoire populaire !Après le Brexit, les Etats-Unis, la France sera-t-elle la prochaine séduite ! L’Afrique, assurément, suivra toujours dans la voie démocratique et pour des sociétés ouvertes décrites par Karl Popper.
Réguler la dérégulation mal libérale relève de cette politique de civilisation, d’essence humaniste, concept cher au Président poète Léopold Sédar Senghor et relustré par le philosophe Edgar Morin. Avec ce discours inaugural qui engage chaque citoyen et chaque élu local et national, le Président Guillaume Soro rapatrie en Afrique un concept né en Afrique, testé et adopté en Occident pace qu’il fait désormais le Bonheur des temps émancipatoires et de partage qui pointent. La Côte d’Ivoire peut donc, raisonnablement, à travers sa représentation nationale comme l’Allemagne avec sa prestigieuse Cour Constitutionnelle, se saisir de tous ces sujets en restaurant l’exigence d’une acceptabilité démocratique comme condition sine qua non pour le progrès social par l’appui démocratique suffisant parce que populaire. La gouvernance démocratique est indépassable. C’est la seule qui rachète toutes nos erreurs par la sanction. Ne l’oublions jamais. Puisque le dicton présidentiel asserte que la plénitude vaut mieux que la solitude. Ce Moment extraordinaire arrive. Un rendez-vous populaire ivoirien autour d’un Destin de mission et de devoir!
Respublica !
L’Editorial de Mamadou Djibo, Ph.D.

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