“Quand il est en érection, il devient menaçant” : “Maman Rhinocéros” pleure son mammifère (Côte d’Ivoire)

6872

Dernère publication

Le film du transfèrement du dernier rhinocéros ouest-africain : Dimalabo à Botro, des témoins racontent (Côte d’Ivoire)

L’exercice n’a pas été facile pour le Dr Willem Burger, à la tête d’une équipe de 5 experts Sud-Africains sollicités pour l’opération de transfèrement du dernier rhinocéros de son espèce encore vivant en Afrique de l’Ouest; l’opération a eu lieu à Diamalabo, localité ivoirienne située dans la sous-préfecture de Témélékro dans le département de M’Batto à N’Zi River Lodge, au sein la forêt classée de Mafa à Bottro, département de Bouaké.
Côte d'Ivoire-Reportage1
Le vendredi 05 Mai 2017, le village de Diamalabo est pris d’assaut à 07h Gmt par 64 agents des Eaux et forêts et 25 gendarmes ainsi que des experts sud-africains pour le transport du rhinocéros d’un poids de 2,5 tonnes.
Au lieu de 45 mn initialement indiquées par le Dr Willem Burger pour réussir l’opération de capture de l’animal, c’est au terme de près de 3 heures d’horloge qu’il a pu être maitrisé et mis dans le porte-char écorné. Cette opération a donné une ambiance particulière à ce village sans électricité pendant près d’une demi-journée.
Le transport de l’animal dans sa nouvelle demeure à Brobo dans la forêt classée de la Mafa distante d’environ 45 kms de Bouaké, a nécessité 3 heures de voyage avec des vétérinaires à bord du porte-char et des porcs, animaux auxquels il était très familier, selon les explications des habitants.
Côte d'Ivoire-Reportage2
La présence des vétérinaires et la lenteur du voyage répondent selon les spécialistes sud-africains, à des mesures de sécurité sanitaire, de maitrise et de contrôle de l’animal. Les autres animaux quant à eux, effectuent le voyage avec le rhinocéros, pour éviter qu’il soit dépaysé à son réveil pendant le voyage. Une situation qui pourrait constituer une menace.
Selon Soro Doplé, Directeur de cabinet du ministre des Eaux et Forêts Issa Coulibaly, le temps mis pour répondre à la demande des populations pour le transfèrement de l’animal était lié à l’absence de ressources humaines qualifiées en la matière en Côte d’Ivoire pour ce genre d’opération.
« Quand on prend une décision et le temps qu’on doit l’appliquer, il peut se passer effectivement du temps. Cela a pris du temps parce que malheureusement nous n’avons pas les compétences en interne pour assurer la capture, le déplacement, et le suivi sanitaire de l’animal. Raisons pour lesquelles nous nous sommes adressés à des spécialistes sud-africains qui ont compris notre appel de détresse et qui sont venus à notre rescousse. Mais pendant ce temps, on n’a pas dormi », a expliqué le représentant du ministre Issa Coulibaly.
Pour ce qui est du choix du site, le colonel Soro Doplé a indiqué que cette forêt classée d’une superficie de 13 400 hectares fait l’objet d’une convention entre la Sofefor et le N’Zi River Loge. Il y est développé l’éco-tourisme.  En plus, il a ajouté que ce site a été identifié en raison de la logistique afférente au déplacement et la gestion temporaire de l’animal.
Le colonel Doplé n’a pas manqué de rappeler qu’il veillera au grain pour l’entretien de l’animal : « L’animal est ici dans la forêt, mais ça ne veut pas dire que le ministère n’a plus un droit de regard sur l’animal. Le ministère continuera de veilleur sur l’animal. C’est d’ailleurs de façon régulière que vous verrez ici des agents qui viendront s’assurer qu’effectivement l’animal va bien. La présence du rhinocéros va contribuer à relancer certaines activités telles que le tourisme ».
 
———
Côte d'Ivoire-Reportage4
 
Le témoignage de « Maman rhinocéros », la cuisinière de l’animal : « il était devenu comme mon propre enfant »
À l’état civil Aka Kanga, réputée dans le village pour sa maitrise de l’animal, elle est plus connue sous l’appellation ‘’Maman rhinocéros’’. Rencontrée à son domicile, elle explique dans un bref entretien comment elle est parvenue à dompter l’animal.
 
Comment avez-vous connu le rhinocéros ?
C’est depuis 2002 qu’il est arrivé ici (Ndlr : village Diamalabo). Il était au départ sur le terrain et cela suscitait la curiosité des enfants qui allaient regarder.  Ensuite il est rentré dans le village. Il avait très faim. J’ai pris la nourriture (manioc accompagné de sel) et je lui ai donné.  Depuis ce jour, il vient là lorsqu’il a faim (elle indique l’endroit où il vient manger et se reposer) et je lui donne à manger. Quand il s’est habitué à mes mouvements, lorsqu’il aperçoit des femmes de passage avec les cuvettes sur la tête, il a tendance à les poursuivre. Il y a un blanc qui a remarqué mes efforts et qui venait me soutenir avec du pain pour lui donner. Quand il me voit passer, même coucher, il se lève et vient vers moi. (Elle frisonne et fonds en larmes).
 
Comment expliquez-vous qu’il ait tué le chef du village voisin ?
Le jour où il a tué le chef de village qui est à 5 km de nous, j’étais en déplacement. Malade, je ne suis pas allée au champ. Et j’apprends que l’animal a tué un Monsieur qui allait se purger. J’ai crié que ce n’était pas vrai puisque cet animal est dans le village depuis de nombreuses années et n’a jamais posé un tel acte. Comment cela a été possible ? Les femmes de ce village sont venues chez moi, pendant que j’étais sur la route du retour. Les femmes m’ont copieusement insulté. Elles m’ont traitée d’animal, c’est la raison pour laquelle je nourris un rhinocéros. Elles m’ont même dit que je percevais de l’argent et des sacs de riz pour le faire, alors que je n’ai jamais reçu un centime de qui que ce soit pour nourrir l’animal. J’ai été très menacée par les habitants du village voisin. Mais aujourd’hui la paix est revenue puisque nous sommes tous des frères.
 
Est-ce à dire qu’il était dangereux ?
Ce qui est certain, il détruisait nos exploitations agricoles telles que la banane, les riz, les arachides. Le premier jour où il est arrivé, il a tué mon porc en marchant sur lui. Mais à part ces faits, il n’était pas menaçant.
 
Il s’en va, qu’est-ce que cela vous fait ?
C’est dur à supporter, ça me fait très mal car c’est un grand choc.  Il était devenu comme mon propre enfant. Mais c’est la volonté du gouvernement. Je souhaite qu’on me donne l’occasion d’aller lui rendre visite de temps en temps.
 
———————————————
Côte d'Ivoire-Reportage5
 
Diby Koua, chef de village de Diamalabo : « Quand il est en érection, il devient menaçant »
Pour le chef du village , le départ de cette bête sauvage est salutaire pour les populations. En ce sens que qu’il représentait une menace réelle surtout quand il est en érection : « Je remercie le Président de la République Alassane Ouattara qui vient nous aider à enlever l’animal qui est un problème pour les populations. Même hier (ndlr jeudi 4mai), mon porte-parole a échappé.  Il y a une fille qui a un problème mental qui est allé jouer avec l’animal comme les gens le font d’habitude. Il a balancé la fille, il s’apprêtait à la charger, et au moment où mon porte-parole partait la secourir, il est tombé et l’animal a foncé sur lui. Mais avec l’intervention de la population, l’animal a été dérouté. Quand il est en érection, il devient autre chose. Lorsque les femmes vont au champ, à l’entrée du village, elles prennent peur à cause de l’animal, de peur de se faire attaquer par lui ».
Il a souhaité un dédommagement par le Gouvernement au vu des dégâts causés par l’animal, notamment la construction de la pompe villageoise détruite par l’animal, la réhabilitation de l’école primaire et l’électrification.
Pour rappel, l’opération de transfèrement a coûté 175 millions FCFA. 
Réalisé par Ernest Famien

Commentaire

PARTAGER