JEAN-PAUL BENOIT, avocat de l’État ivoirien à la CPI : “J’entends à peu près tout et n’importe quoi sur le procès Gbagbo”

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1. L’INTELLIGENT D’ABIDJAN – La Chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) a décidé mercredi 19 juillet que l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo resterait en détention. Le juge d’appel a cependant demandé un réexamen de sa demande de liberté conditionnelle. Comment analysez-vous ce refus de mise en liberté et une demande de réexamen de la demande e liberté conditionnelle ?

JEAN-PAUL BENOIT – J’entends à peu près tout et n’importe quoi sur le procès Gbagbo. La demande de la défense pour une mise en liberté conditionnelle de Laurent Gbagbo est prévue par la procédure. Le refus de la Chambre de première instance d’accorder cette liberté conditionnelle s’appuie sur des motifs pertinents qu’il ne m’appartient pas de juger. Aucune pression n’est faite sur la CPI par le gouvernement ivoirien. Les juges de la CPI sont soucieux de leur indépendance, comme ils sont soucieux de la garantie rigoureuse des droits de la défense. À La Haye, Laurent Gbagbo est jugé de manière sereine et équitable, à travers une procédure impartiale et d’une rare minutie.
2. L’INTELLIGENT D’ABIDJAN – Ce procès n’est-il pas particulièrement long ? Cette lenteur n’est-elle pas voulue par le pouvoir ivoirien actuel ?
JEAN-PAUL BENOIT – Les avocats de Gbagbo multiplient les incidents de procédure : ils ralentissent le déroulement du procès. Je ne suis pas sûr que ce soit une démarche efficace t. En même temps, la CPI prend toutes les précautions nécessaires pour aboutir à un jugement équitable. Le temps de la justice est un temps long, contrairement au temps en politique, où tout s’accélère, surtout en période électorale. L’agitation autour du procès Gbagbo, notamment sur les réseaux sociaux, fait partie d’un enjeu politique, comme la condamnation de la CPI par certains États africains. A aucun moment, l’Etat ivoirien n’a voulu ralentir la procédure. La CPI n’est pas sujette aux pressions. Le procès Hissène Habré, qui s’est tenu en Afrique, à Dakar, a démontré que la justice en Afrique était capable de conduire une procédure avec rigueur que la CPI. Le procès qui est fait à la CPI est de nature idéologique.
3. L’INTELLIGENT D’ABIDJAN – Faut-il ou non libérer Gbagbo ? Quelle est la position du gouvernement ivoirien sur cette question ?
JEAN-PAUL BENOIT – Je vais être une fois de plus clair et précis, car les réponses que j’ai déjà faites à cette question, lors d’une interview à Jeune Afrique avec Jean-Pierre
Mignard, ont souvent été déformées et instrumentalisées. Pour le président Ouattara et l’État ivoirien, le procès de Laurent Gbagbo doit continuer à se dérouler en l’état, normalement à La Haye. La défense a la possibilité de demander une libération conditionnelle ou une assignation à résidence. L’Etat ivoirien sera consulté par la Chambre d’Appel à ce sujet, le moment venu. Il s’agit de garantir la représentation de Laurent Gbagbo devant la Cour et sa sécurité ; de plus, il faut éviter qu’une décision le concernant suscite des troubles graves à l’ordre public, notamment en Côte d’Ivoire.
4. L’INTELLIGENT D’ABIDJAN – Comment voyez-vous l’issue du procès ? Laurent Gbagbo sera-t-il condamné ?
JEAN-PAUL BENOIT – Personne ne peut préjuger du jugement qui sera rendu par la CPI. Je n’ai pas l’habitude, en matière de justice, de faire des pronostics. Quel que soit ce jugement, il s’imposera à tous. L’accusation s’est exprimée dans la première partie du procès, la défense aura la parole dans une deuxième phase, ainsi que l’association des victimes.Un procès ne s’achève et ne s’apprécie que lorsque l’ensemble des parties a été entendu. Laissons se dérouler le dit-procès, en évitant les informations et déclarations qui circulent sur les réseaux sociaux, où l’intox et les « fake news » se multiplient, comme le témoignage de tel ou tel soi-disant expert.
5. L’INTELLIGENT D’ABIDJAN – Une question plus politique : comment jugez-vous la situation actuelle en Côte d’Ivoire ?
JEAN-PAUL BENOIT – Je suis l’avocat de l’État ivoirien, notamment à la CPI. Je me tiens à un devoir de réserve, je n’ai pas à me prononcer sur la situation politique en Côte d’Ivoire. Je peux dire qu’Alassane Ouattara est un homme d’État qui veut faire de son pays une démocratie moderne, économiquement développée, socialement juste et apaisée. De la même manière, la CPI ne se mêle pas de politique, son indépendance et sa neutralité sont totales. Il est injurieux de la considérer comme inféodée à des intérêts partisans ou comme le « bras armé » d’une justice au service des grandes puissances contre l’Afrique. Laurent Gbagbo n’est l’otage de personne ; il n’est l’otage que de lui-même.

Par Charles Kouassi

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