Les samedis de Biton : Ces heures qui font la différence

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Dans un taxi-compteur que j’emprunte souvent, préférant ce moyen de transport, malgré ma voiture, Abidjan étant souvent un petit Lagos à cause des embouteillages et surtout des mauvaises conduites, je suis surpris par le conducteur. Non seulement il conduisait très vite, mais il se faufilait entre les voitures avec une certaine dextérité. J’avais beaucoup d’angoisse devant cette manière de conduite. Lors d’un dépassement qu’il fit et qu’on appelle, dans le code de la route, un dépassement dangereux, j’osai l’interpeller sur sa manière de conduire en affirmant que je ne conduirai jamais comme lui. Avec un large sourire il me fit comprendre que c’est tout à fait normal et que moi je prenais ma voiture pour aller au travail et revenir à la maison. Et que lui était dans son métier. Il ne pouvait qu’avoir cette dextérité dans la conduite. Le minimum d’heures qu’il pouvait passer dans la conduite quotidienne était de huit heures contre quarante-cinq minutes pour moi. Toutes ces heures journalières multipliées par trente et sur onze mois faisaient beaucoup, de sorte que la voiture devenait un petit jouet dans sa main. En plus, il connaissait, à force de rouler, des heures dans l’année, tous les coins et recoins. Il savait les endroits dangereux, toutes les rues où on ne doit pas filer, et comment freiner assez vite en cas de danger à venir subitement. « Monsieur, ce sont les nombreuses heures assises à conduire qui donnent cette dextérité que vous voyez comme conduite dangereuse qui n’est que la manifestation de notre professionnalisme. » Donc, nous que les chauffeurs de taxis, de toutes sortes, appellent, « les personnels » ne peuvent qu’être des amateurs, ceux qui provoquent des accidents à cause de leur amateurisme, leur prudence et leurs faibles heures de conduite dans l’année dont une grande partie dans les embouteillages et en plus avec des voitures aux boites automatiques. Donc de faux chauffeurs. Quelques jours, plus tard, presque les mêmes propos dans un endroit différent avec des personnes différentes. C’était sur le plateau de la RTI1. En direct, au cours d’une compétition de lutte moderne. Certaines de nos lutteuses sont battues rapidement et proprement. Devant cette cascade de défaites, le responsable de la fédération de lutte moderne ne semble pas du tout mal à l’aise. Il explique que celles qui ont gagné ont tout simplement de nombreuses heures de compétition dans les jambes. Et comme d’habitude, le même refrain : « Le manque de moyens. » Et cela m’a fait penser à un footballeur ghanéen qui jouait au  stade d’Abidjan. Je pense que c’est Albert Asassé. Devant les raisons de sa performance il confia à un journaliste qu’en dehors des entrainements avec son club il prenait des heures supplémentaires pour s’entrainer lui-même sans demander qu’il soit énuméré pour cela sachant que ses performances auront un changement sur sa fiche de paie. C’est ainsi que doit agir tous les athlètes africains sachant que les gouvernements n’auront jamais un budget de préparation adéquat pour eux. Mais quand les médailles « tomberont »  ils seront largement récompensés. Inutile de reprendre toujours le même refrain. Le jeune Cissé a abandonné ses études au grand dam de son père, enseignant, pour avoir plusieurs heures disponibles afin de se consacrer au Taekwondo. On a vu le résultat spectaculaire de sa médaille d’or. Les suppléments d’heures ne sont pas utiles seulement dans la conduite ou dans  les sports mais dans tous les domaines elles font la différence. Imaginez un salon de coiffure qui veut ouvrir et fermer aux heures de la fonction publique,  il court à la fermeture définitive. Quand j’entends, à quatre heures du matin, les femmes, vendeuses au marché, je suis fier d’elles. C’est à force du poignet qu’elles réalisent leur vie. Pas question d’attendre huit heures pour aller sur leur lieu de travail. A fortiori, un maquillage à faire pendant quarante-cinq minutes. On a souvent abordé le cas des étudiants et des élèves. La réussite aux examens ou la performance en classe ne réside que dans les heures supplémentaires que l’étudiant se fixe lui-même. C’est connu et reconnu que l’Afrique est le continent où les gens travaillent beaucoup moins d’heures que les autres continents. De nombreuses heures utiles sont consacrées à la critique systématique des dirigeants politiques au pouvoir et ceux de l’opposition. La grande majorité de ceux qui perdent leur temps dans la critique ne peuvent pas présenter un bilan positif de ceux qu’ils font eux-mêmes. Il y a trop d’heures dans la journée pour n’en a pas trouver deux ou trois heures en plus pour soi et se démarquer des autres. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.

Par Isaïe biton Koulibaly

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