Côte d’Ivoire : le néologisme de « transition générationnelle » n’est pas démocratique

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Les deux néologismes corrélatifs et creux de « transition générationnelle » et de « leader générationnel » n’existent nulle part dans l’histoire de la démocratie. Ils ont été inventés ex nihilo, de toute pièce, par un intellectuel organique et un hagiographe en service commandé en vue de servir une cause factionnelle.

L’alternance démocratique n’est ni une succession de générations, ni une transition de générations. Ce n’est ni une succession dère de jeunes à une ère de vieux, ni le passage d’un pouvoir de vieux à un pouvoir de jeunes. On parle plutôt de transition démocratique pour désigner un changement d’ère politique. La transition démocratique qualifie le passage d’un régime de tutelle à un régime de liberté politique du peuple. En démocratie, il n’est nullement question de génération mais de peuple. Il n’est pas question de légitimité générationnelle mais de légitimité électorale. Il n’est pas question de transmission discrétionnaire du pouvoir à un « leader générationnel » mais d’élection d’un programme politique et d’un projet sociétal, de suffrage universel déterminé par les principes d’égalité et de liberté. Le peuple démocratique est un électorat socialement diversifié et mouvant qui ne peut être représenté par une génération ni  incarné par un « leader générationnel ».

Le discours de la transition générationnelle n’est pas proféré à partir d’un lieu neutre. C’est le discours d’un groupement politique engagé dans une guerre de succession. Ce discours traduit un désir de dévolution monarchique et royaliste du pouvoirIl en appelle à l’attribution personnelle et arbitraire du pouvoir au dirigeant de l’aile politique d’une rébellion militaire, selon la logique népotique de récompense pour service rendu.Véhicules de cette logique népotique, les notions d’ingratitude, l’accusation de méchanceté et de trahison déportent la problématique politique de l’alternance du pouvoir sur le terrain privé des relations et des fidélités interpersonnelles de type clanique et tribal. Le respect de la discipline de parti, des règles institutionnelles régissant en démocratie la désignation des candidats aux élections est alorsrécusé à partir du transfert d’une logique népotique.

Sidérés, nous découvrons alors que la rébellion de 2002 et la résistance militaire à la tentative de hold-up électoral du régime de Laurent Gbagbo ne furent pas en réalité motivées par une volonté démocratique de liberté et une logique de défense des droits.  Elles furent en fait motivées par un désir et une logique de conquête du pouvoir.

L’une des conséquences gravissimes de ce désir factionnel de dévolution monarchique du pouvoir exprimé dans les néologismes-valises de « transition générationnelle » et de « leader générationnel »par le discours de l’ingratitude et de la méchanceté, est de trahir les justifications démocratiques de la résistance du peuple majoritaire ivoirien en 2010, et de donner raison au régime de Laurent GbagboEst-ce étonnant alors que cette faction se soit engagée vraisemblablement dans un processus de coalition avec l’aile ethno-nationaliste de l’ancien régime qui aspire à reconquérir, par tous les moyens, le pouvoir d’Etat afin de reconfigurer la société ivoirienne et l’Etat selon une logique identitaire ? La dérive factionnelle de l’aile politique de l’ancienne rébellion de 2002 correspond à la logique de sa motivation qui était au départ anti-démocratique telle que nous le révèle son dénouement en 2017

Dr Alexis Dieth

Professeur de philosophie

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