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Meité Ben Abdoulaye, l’avocat député qui avait défendu Ya Touré lorsqu’il fut poursuivi dans l’affaire « un député gifle un policier », a donné sa position sur la convocation de son collègue Ehouo Jacques par la police, et fait des précisions.
Il a estimé entre autre que son collègue peut-être entendu, mais pas poursuivi, ni arrêté si l’Assemblée nationale le demande, ou ne le souhaite pas. Selon lui, une audition à la police dans le cadre d’une enquête n’est pas une poursuite, au sens des dispositions relatives à l’immunité parlementaire.
« Il m’est revenu que mes confrères ( Ndlr , avocat du Depute Ehouo ) qui s’appuient sur les dispositions de l’article 92 de la Constitution, feraient valoir que : leur client qui est un parlementaire en sa qualité de député à l’Assemblée nationale, et donc bénéficiaire de l’immunité parlementaire, ne peut, sans autorisation préalable de l’Assemblée nationale ou plus exactement du bureau de cette institution (étant hors session), faire l’objet d’une convocation dans le cadre d’une enquête pénale. Une telle approche que je respecte bien évidemment, n’emporte cependant pas ma conviction d’avocat.
Relativement à la convocation adressée à l’honorable EHOUO Jacques par la police économique dans le cadre d’une enquête préliminaire, deux questions fondamentales se posent à la lumière des pertinentes dispositions constitutionnelles de l’article 92 invoqué :
Primo, le parlementaire peut-il faire l’objet de poursuite pénale ?
Secundo, l’enquête préliminaire doit-elle s’apprécier comme une poursuite pénale, de sorte qu’un député ne peut être entendu dans le cadre d’une telle enquête ?
Sur la première interrogation, l’article 92 fait une distinction circonstanciée selon que l’Assemblée nationale est en session ou hors session.
En cours de session, c’est-à-dire du 1er Avril au 31 Décembre, le Député ne peut être, ni poursuivi, ni arrêté en matière criminelle ou correctionnelle qu’avec l’autorisation préalable de l’Assemblée nationale.
Toutefois, en cas de flagrant délit, le Député peut être poursuivi et arrêté sans aucune autorisation préalable de l’Assemblée nationale.
Hors session c’est-à-dire du 1er Janvier au 31 Mars, le Député peut être pénalement poursuivi sans aucune autorisation préalable de l’Assemblée nationale, mais son arrestation reste légalement assujettie à l’autorisation du Bureau de l’Assemblée nationale.
S’agissant donc du cas d’espèce de l’honorable OHOUO Jacques, dès lors que l’Assemblée nationale est présentement hors session, si ce dernier peut légalement faire l’objet de poursuite pénale en présence de faits pénalement repréhensibles mis à sa charge, son arrestation reste toutefois soumise à l’autorisation préalable du bureau de l’Assemblée nationale.
S’agissant de la seconde interrogation relative à l’enquête préliminaire, notamment quant à savoir si celle-ci constitue une poursuite au sens de la disposition constitutionnelle, de mon point de vue, l’enquête préliminaire diligentée par le procureur de la République, soit personnellement, soit par l’entremise de ses adjoints et substituts ou des officiers de police judiciaires sous ses ordres, ne saurait constituer une poursuite.
En effet, en ce qu’elle vise uniquement la recherche des actes nécessaires à la poursuite comme indiqué à l’article 41 du Code de procédure pénale, l’enquête préliminaire ne peut être confondue à la poursuite, la mise en œuvre de celle-ci dépendant opportunément des éléments recueillis au cours de l’enquête préliminaire.
La poursuite peut donc s’entendre d’une saisine du tribunal correctionnel dans le cadre d’une citation directe ou d’une procédure de flagrant délit, d’une saisine du juge d’instruction au moyen, soit d’un réquisitoire introductif du Procureur de la République, soit d’une plainte de la partie civile. Ce sont ces trois modes de poursuite qui appartiennent au parquet.
À cet égard, le Député, qu’il soit en session parlementaire ou hors session parlementaire, peut évidemment, et sans risque d’illégalité, faire l’objet d’enquête préliminaire ou être entendu dans le cadre d’une telle enquête, de sorte que la convocation adressée à l’honorable EHOUO Jacques ne saurait formellement souffrir d’une quelconque illégalité commise par le Procureur de la République.
Toutefois et même dans le cadre d’une telle enquête préliminaire, et en dehors de tout cas de flagrant délit, le Député ne peut être arrêté sans autorisation préalable, soit de l’Assemblée nationale en cours de session, soit du Bureau de l’Assemblée nationale hors session », a-t-il indiqué.
Lorsque nous avons insisté pour savoir si l’enquête policière ou préliminaire constitue ou non une poursuite au sens de l’article 92 de la Constitution, l’avocat a répondu : « L’enquête préliminaire n’est pas une poursuite. Ce n’est qu’un mode légal de recoupement d’informations pouvant servir de fondement à la poursuite ultérieurement décidée éventuellement et opportunément par le Procureur de la République selon les modalités que j’ai évoquées plus haut. La police n’inculpe pas, l’inculpation relève du pouvoir du Juge d’instruction. Donc au simple stade de l’enquête préliminaire, on ne peut pas parler d’inculpation ou de poursuite, on parle d’enquête préliminaire. Je pense que chacun devrait concourir à l’enquête préliminaire de sorte à permettre au parquet de se déterminer utilement ainsi qu’il aviserait opportunément relativement à la poursuite ».
Face aux rumeurs faisant état d’une saisine du Procureur de la république par le secrétaire général de l’Assemblée nationale, Meité Ben a précisé : « Je n’ai pas l’information. Au-delà de tout ce que j’ai expertisé plus haut, si par extraordinaire une telle information était avérée, je la considèrerais comme une bien regrettable confusion de rôle, une sorte d’excès de pouvoir de cette autorité administrative parlementaire, en ce qu’une telle initiative échappe au pouvoir de ce dernier. Une telle information si avérée, sera symptomatique d’un réel malaise dans le fonctionnement de cette prestigieuse institution quant à ses animateurs ».
Charles Kouassi