Béoumi, le feu couve toujours : la rébellion, l’exclusion et le maire accusés-Côte d’Ivoire

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À partir d’un simple accrochage entre un conducteur moto-taxi et un apprenti de mini car ‘’massa’’, la ville de Béoumi s’est embrasée du mercredi 15 au vendredi 17 mai 2019 faisant 9 morts et 84 blessés. Malgré les messages de paix et une légère accalmie samedi 18 en présence des ministres Sidi Touré, Amadou Koné et Jean Claude Kouassi, la paix demeure précaire, et le risque d’une résurgence du conflit est encore palpable. Explications et témoignages !

Selon des témoignages recueillis sur place , le mercredi 15 mai 2019, un mini car appelé communément ‘’Massa’’ entre en gare de Béoumi, et tente de stationner. Une moto servant de transport ‘’moto-taxi’’ l’empêche.

L’apprenti du Massa, un jeune Malinké, descend et tente de raisonner le conducteur de la moto qui refuse d’exécuter. L’apprenti de la Massa décide de le faire par la force. Une altercation survient. Le conducteur de Moto-Taxi, un jeune baoulé, est mis à terre sous le regard des autres conducteurs. Aussitôt des secours s’annoncent de part et d’autres des deux communautés. C’est le début d’un long affrontement entre les communautés baoulé ( Godè) et Malinké dans la ville de Béoumi et les villages environnants.

Plusieurs barrages sont érigés le long de la route Bouaké-Béoumi. Les premiers camions essuient les coups de pierres. Sur la voie, plusieurs véhicules sont incendiés. À Béoumiville, une cour baoulé est mise à feu.

À l’intérieur, deux femmes succombent aux flammes. En 72h, le bilan des affrontements fait état de 9 morts dont 2 du côté baoulé et 7 du côté malinké selon notre source.

[ Yobouet Kouamé, chef baoulé « Pour moi rien n’a été dit ni réglé »]

Interrogé juste après la rencontre du samedi 18 mai 2019, avec les ministres Sidi Touré, député de Béoumi , Amadou Koné et Jean Claude Kouassi, nanan YobouetKouamé, chef du village de Diacohou a confié : « On a reçu nos frères Malinké depuis 1902. Mais qu’est-ce qu’on a fait pour qu’ils prennent des machettes, couteaux et fusils pour un simple accrochage entre deux personnes, qui d’ailleurs ne se sont pas touchées, qui n’ont pas eu leurs engins égratignés. Cela signifie qu’il y a anguille sous roche ». Pour lui, ce conflit tire ses sources du refus des Malinké de voir un baoulé accéder à un poste électif à Béoumi : « C’est cette plaie qu’il faut soigner définitivement. Pour moi ce soir, rien a été dit ni réglé ».

Selon un autre témoin sur place, en plus de la méfiance et défiance nées de l’élection municipale d’Octobre 2018 qui a opposé l’actuel maire, Jean Marc Kouassi et Yacouba Traoré, la communauté baoulé n’a toujours pas digéré les atrocités et exactions vécues pendant la rébellion de 2002. Il ajoute au titre des causes, la rupture entre le Pdci et le Rhdp, au sujet du parti unifié. Son témoignage prend en exemple certaines crises de chefferie , et même de la Royauté dans le V baoulé, et se demande si la situation ne va pas s’envenimer à l’approche des échéances de 2020.

[ Accusé, le maire de Béoumi va-t-il s’expliquer ]

Selon un groupe de jeune Malinké rencontrés à Béoumi, ce qui est arrivé a été préparé par le maire Jean Marc Kouassi : « Le maire a un ami qui voulait mettre un véhicule sur la ligne Bouaké-Béoumi. Pour nous syndicat des transporteurs, il n’est pas question que quelqu’un intègre notre corporation sans respecter nos principes. Celles de s’acquitter d’une contribution financière.

Chose que le maire via son 4eme adjoint M. Brou, a refusé. Pour lui il est hors de question que les Malinké viennent leur dicter des ordres à Béoumi. Peu avant les fêtes de pâques, il a menacé de couper la voie si l’on ne laisse pas le véhicule de l’ami du maire en circulation. C’est dans cette atmosphère déjà délétère et voulue par le maire que l’incident de mercredi est arrivé. Et rien ne pouvait empêcher cela vu que les esprits s’y étaient déjà préparés ».

L’enquête promise par le ministre Amadou Koné, devrait permettre de tirer au clair la situation.

Philippe Kouhon, envoyé spécial à Béoumi

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