Chronique : Jean-Luc Mélenchon, un insoumis résolu

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Le 23 avril prochain, se tiendra le premier tour des élections présidentielles en France.

Avec cette particularité que le président sortant ne brigue pas un nouveau mandat. Cette situation inédite, ouvre du coup le jeu des probabilités. Si l’on s’en tient aux sondages, trois favoris semblent en mesure d’être parmi les deux admis au second tour. Il s’agit d’Emmanuel Macron, Marine Lepen et François Fillon. Toutefois, un « tocard » ne cesse de monter en puissance : Jean-Luc Mélenchon (JLM).
Oui, cette présidentielle française est marquée par ce qu’il convient d’appeler le phénomène Mélenchon. En effet, depuis les débats télévisés, il y a eu comme un déclic. Mélenchon, ce révolutionnaire dans l’âme, a su séduire et touché une bonne partie des téléspectateurs dont les indécis et surtout, les jeunes. Il a su vendre cette dynamique de l’insoumission qu’il porte depuis toujours. Comment expliquer donc cette remontée spectaculaire de JLM ?
La force première de Mélenchon, c’est la charge impressionnante de son logos. Autrement dit, le fond de son discours qui est resté constant et convaincant. Il n’escamote rien et approfondit les questions politiques, économiques et sociales à l’ordre du jour. Pour y comprendre quelque chose, il faut repartir en 2008, lorsque JLM décide de quitter le Parti Socialiste (Ps). Une famille politique qu’il a rejoint en 1976 et qui lui a permis d’être conseiller municipal, conseiller général, sénateur et ministre. Cette rupture, il l’explique par le fait que le PS se soit éloigné des idées de gauche pour épouser et mettre en œuvre des idées libérales. Une trahison de Jean Jaurès en quelque sorte, à ses yeux ! Il crée alors un nouveau parti, le Parti de Gauche en 2009, qui, comme il s’appelle, défend sans concession les idées de gauche. À savoir, la souveraineté transférée au peuple avec l’entrée dans la 6ème République, la redistribution équitable des richesses, la réglementation des finances, la révision du traité européen… Depuis lors, Mélenchon, contre vents et marrées, s’en fera de façon décomplexée, le porte-voix.
Deuxièmement, Mélenchon récolte le fruit d’une conviction, d’une détermination et d’un courage politiques exceptionnels. En effet, dans un landerneau politique balafré par les « affaires » de corruption et la « couardise » devant l’hégémonie du Capital, JLM, lui, tient debout et se présente comme étant au-dessus de la mêlée. Fort de cette image de « redresseur de tort », il n’hésite pas à attaquer s’il le faut et à dire ce qui devrait être. Mieux, loin de se confiner dans un parti, JLM va plutôt bâtir un mouvement. Un cadre politique qui veut rassembler au-delà des cloisons idéologiques. Ce mouvement aura un nom : la France insoumise. Une symbolique épousant l’ère du temps. En effet, la « France insoumise » fait échos à la vague des Indignés contre l’ordre libéral qui a balayé l’Europe et les USA après la crise économique de 2008.
La troisième force du phénomène Mélenchon reste, le pathos de sa communication. Comprenez tout l’emballage émotionnel et imagé qui accompagne son discours. En effet, sur ce point, JLM a véritablement évolué voire, révolutionné la communication politique en France. D’abord, parce que JLM a su réellement créer du lien avec les électeurs. En effet, fort de son verbe haut et poétique, il va à la rencontre des populations. De plus, le fond de son discours touche le vécu de ces populations et donc inévitablement, ne les laisse pas indifférentes.
Ensuite, loin de l’image du leader violent et râleur impétueux de la campagne présidentielle de 2012, JLM a su soigner son image. Il arbore un style distinctif avec une veste trotskienne simple, assortie d’une cravate rouge. Cela, au contraire des autres candidats avec des vestes conventionnelles assorties de cravates bleues ou noires. En outre, il garde un calme olympien et se positionne en homme responsable, posé et apte à gouverner. Même s’il affirme ne pas mettre de l’eau dans son vin. Un positionnement qui a l’avantage de séduire de nouveaux électeurs tout en donnant un gage de continuité à ses supporters traditionnels. D’ailleurs, dans ses meetings, qui se transforment en des lieux de convivialité et d’humanité, les traditionnels drapeaux rouges font place aux drapeaux français et bleus.
Enfin, à l’opposé du discours de Marine Lepen brandissant le traditionnel épouvantail d’une France sous la menace terroriste et l’invasion des immigrés, JLM se positionne en homme de paix et rassembleur de tous les français. Une stratégie qui a eu le mérite de refroidir un tant soit peu, l’ardeur du leader de l’extrême droite sur cette question. D’ailleurs, sur ce sujet, il n’a pas hésité à lancer des pics acérés et déstabilisants à Marine Lepen au cours des débats télévisés.
Le quatrième pilier de cette dynamique des insoumis reste l’utilisation de nouveaux moyens pour communiquer. Il s’agit essentiellement des réseaux sociaux. Ce qui lui permet de contourner les médias traditionnels pour la plupart aux mains de l’oligarchie, dont JLM ambitionne de combattre le monopole sur l’économie, les médias et la vie politique. En effet, les acteurs du mouvement qui porte JLM font un usage « révolutionnaire » de ces outils. On peut citer, sa télévision YouTube qui compte près de 200 mille abonnés, un jeu vidéo (Fiskal Combat), l’hologramme pour mettre en multiplex plusieurs villes qui assistent au même moment aux meetings de Mélenchon…
En somme, quelle que soit l’issue de ces présidentielles françaises, JLM, ce fils d’immigrés espagnols, né à Tanger (Maroc), il y a 66 ans aura, primo, révolutionné la communication politique en France. Secundo, il aura réussi à dévoiler au grand jour, la réalité de la largeur du fossé qui sépare la classe dirigeante de la masse. Tertio, il aura donné les premiers signes de la mort lente des partis traditionnels. Quels chamboulements en découleront ? L’avenir nous en donnera la teneur.

NURUDINE OYEWOLE
onurudine16@gmail.com
Expert-consultant en Communication

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