Chronique littéraire : “Réflexions sur les pratiques politiques en Côte d’Ivoire” de Angelo Koblan

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Contrairement aux solutions improductives des “intellectuels autosuffisants”, ce jeune écrivain fait des propositions pertinentes pour l’Africain nouveau
Angelo Koblan est l’un des jeunes de cette génération montante d’écrivain que j’apprécie beaucoup. Il est reconnu pour la qualité de ses réflexions, sa discrétion et le perfectionnisme de son style d’écriture. Juriste spécialiste du droit électoral, il garde un silence mortuaire sur ses activités professionnelles, pourtant grande est sa contribution dans le développement économique du pays à travers ses activités de consultance dans certains organismes internationaux.  Il rentre dans le monde de la littérature par l’appui de Tirbuce Koffi dans les années 2013 avec son roman philosophique « A l’ombre de la féminité  Tom 1» publié aux Editions balafons. Ce livre  a un bon retour du public, et plusieurs maisons d’éditions se proposent de le rééditer ou d’éditer le Tom 2. Il publie en 2016 « Réflexions sur les pratiques politiques en Côte d’Ivoire » chez les Editions Harmattan et s’active pour la promotion de cet ouvrage à travers des participations à des évènements littéraires en Europe et dans l’Afrique francophone.
Ce jeune auteur averti que cette œuvre est un recueil d’articles publiés initialement sur les réseaux sociaux inspiré par la crise poste électorale de son pays entre 2010 et 2011. Son pays était au cœur d’un cliquetis de violence immémorial et les attitudes inhérentes ont mûri des réflexions qu’il partage dans cet ouvrage. Il montre à travers ce livre le rôle de l’écrivain d’être une boussole pour son peuple, de rappeler les valeurs morales mais d’être surtout le porte-parole des souffrances de son peuple. La lecture de son livre donne son sens plein au rôle de l’écrivain dans la société qui dans son attitude d’observateur a une mission de conscientisation.
Son œuvre est sans illustration : juste le choix d’une couleur violette claire avec le titre de l’œuvre et le nom de l’auteur écrit en couleur blanche. Cela rappelle les goûts simples et sobres de l’auteur. Son livre de 87 pages est divisé en 19  parties. Dans chaque partie il cite une épigraphe introductive qui a un lien avec sa thématique et pose une analyse profonde du sujet qu’il propose. La plume d’Angelo dans cette œuvre est très satirique, sarcastique et ironique. Des textes qui rappellent souvent le livre de Venance Konan intitulé « Chroniques afrosacarstiques 50 ans d’indépendances, tu parles ! ». Ses sujets de réflexions sont en somme portés sur la politique et la société d’une part  et la responsabilité des hommes politiques, des intellectuels et du peuple d’autre part.
Il affirme que l’échec de la pratique de la démocratie en Afrique se justifie par le fait qu’elle n’est pas adaptée à nos réalités sociologiques, politiques, religieuses et culturelles. Dans certains textes comme « Illusions comique d’un peuple », l’auteur utilise le jargon ivoirien avec ironie pour expliquer ces habitudes orgueilleuses chez les ivoiriens d’aimer l’autosatisfaction et de privilégier la paresse Aussi, cette addiction à se vanter, à vanter sa vanité et traiter les autres de jaloux.
L’auteur pense que le peuple ivoirien n’est pas encore mûr pour appliquer la démocratie. A la page 30 et 31, il dit ceci : « On comprend aisément que le politicien africain qui gagne les élections n’est pas forcément le meilleur, il est tout simplement celui qui a réussi à faire passer son message trompeur au peuple naïf. Avec la théorie du suffrage intellectuel, rien ne prouve que le dirigeant élu soit de l’idéologie parfaite, car la majorité n’est pas forcément intelligente, surtout en Afrique… Le peuple a le droit de décider mais pas de tout ; pas n’importe comment ; pas n’importe quoi ; et pas n’importe quand. L’histoire de l’humanité doit nous rendre évident qu’il faut attendre que le peuple ait un certain niveau de connaissance avant de lui confier cette lourde charge de la participation politique… »
L’auteur se plaint des « intellectuels » ivoiriens improductifs. Pour lui, les défis de développement sont urgents et l’une des finalités d’avoir réalisé de grandes études et avoir des postes dans l’administration publique ou privée est de contribuer grandement à hisser son pays vers le haut. Pour lui, le bilan de développement du pays est catastrophique et les intellectuels ivoiriens ont une grande part de responsabilité. Qu’en est-il de la responsabilité des hommes politiques ? Elle est tellement grande que pour l’illustrer, l’auteur expose sa peine en proposant la lecture intégrale du discours du Pr Mamadou Koulibaly à l’époque Président de l’Assemblée Nationale lors d’un colloque international organisé pour faire le bilan démocratique des deux décennies de multipartisme en Côte d’Ivoire. Dans ce discours, l’ex Président de l’Assemblée Nationale fustige la culture de l’irresponsabilité qui caractérise les hommes politiques devant leur conscience et devant les populations auprès de qui ils sont comptables qu’ils méprisent pourtant. Il soutient que les actes des hommes politiques ivoiriens donnent l’interprétation d’une « société à irresponsabilités illimitées ».
Quelle solution propose l’auteur pour le développement adapté à l’Afrique ? il dit ceci à la page 54 et 55 ; «  Tant que nous ferons du système occidental le baromètre de la civilisation, jamais nous arriverons à nous développer…Le vrai développement, la vrai évolution, c’est la maîtrise de ses aptitudes intrinsèques en vue de construire son propre modèle économique, politique, culturel…Je crois à un modèle africain de développement qui puise sa force dans sa culture, dans son artisanat, dans sa civilisation, dans sa coutume, dans sa morale… »
Dans son texte intitulé « le calvaire de la morale », l’auteur s’indigne de la dégradation des valeurs morale qui atteint le niveau du zénith. Il dit aux pages 74 et 75: «… Nous avons bâti le pays mais nous avons oublié de construire l’homme, l’Africain nouveau. Et même si pour certains nous n’avons pas eu notre indépendance politique, économique et que toutes les crises que nous vivons sont la volonté des gouvernants étrangers, notre caractère humain devrait nous imposer des limites dans notre barbarie…  Que peut-on attendre en mettant des animaux sauvages dans une maison ordonnée ? Le résultat est logique, nous avons déshumanisé notre milieu par la violence et la méchanceté. »
Dans son texte «  la richesse par l’érection du savoir », l’auteur Angelo s’en prend véhément à cette habitude africaine de faire croire que le diplômé qui est au chômage est un échec et une honte pour sa famille et la société. Angelo pense qu’il faut plutôt privilégier la course à la connaissance que la course à l’argent ; car on ne va pas à l’école pour être riche mais pour acquérir la connaissance qui nous dispose à avoir un emploi ou pas. Il dit ceci aux pages 77 et 78 : «  Si les colonisateurs nous avaient inculqué que la Connaissance était la plus grande richesse, je pense que nous ne serions pas là où nous sommes aujourd’hui… Nous devons plus vivre pour posséder la richesse mais pour être nous même la richesse… ».
Cette œuvre d’Angelo Koblan est recommandée à tous car elle est utile pour découvrir ce que ce jeune écrivain contrairement aux vieux « intellectuels autosuffisants et improductifs » pense. Le diagnostic politique et social d’Angelo est pertinent. Son courage est d’avoir d’une part lancé par la dialectique le débat, invité à une introspection et conscientisation ; d’autre part, le fait de faire des propositions pertinentes. En dépit de logiques désaccords, le plus important est l’action individuelle et sociale pour sortir le pays de sa crise politique et sociale.

Yahn Aka
Ecrivain- Editeur
yahn@yahnaka.com

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