Dernère publication
Depuis le10 avril 2017, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly (AGC) a franchi la barre symbolique des 100 jours à la tête du gouvernement ivoirien.
Il est évident que ce trimestre de gouvernance ne peut pas être un cadre d’évaluation définitif. Pourtant, il n’en demeure pas moins un indicateur significatif de la méthode et des actions à venir du gouvernement AGC.
Avant tout, il est important de souligner que dès sa prise de service, AGC n’a pas livré un discours-programme devant le Parlement par exemple, capablede situer sur ses engagements majeurs. Ce qui laisse penser qu’il inscrit les actions du gouvernement qu’il dirige, dans la continuité de son prédécesseur, Daniel Kablan Duncan, devenu Vice-président de la république.
Quels acquis majeurs peut-on donc inscrire à l’actif d’AGC depuis qu’il a succédé au député de Grand-Bassam ?
Faut-il le rappeler, AGC est arrivé à la Primature au moment où la Côte d’Ivoire était secouée par des vagues de mouvements sociaux d’une ampleur jamais observée, depuis l’avènement du président Alassane Ouattara à la magistrature suprême. Des mouvements, au prime abord dûs aux revendications relatives aux primes de soldats, pour la plupart issue des ex-FAFN (Forces armées des forces nouvelles). La satisfaction, illico presto, en partie de celles-ci, a même failli provoquer l’ire de l’ensemble de la grande muette. À cela, est venue se greffer la grève des fonctionnaires, dont le préavis était antérieur aux humeurs de la soldatesque. Bref, le contexte d’arrivée d’AGC à la primature a été marqué par une atmosphère assez poivrée.
C’est pourquoi, la principale réussite d’AGC et de son gouvernement reste incontestablement leurcapacité à avoir pu contenir (momentanément ?) cette bourrasque socio-militaire. Faire face à une bourrasque exige d’avoir une force de résistance extraordinaire. En cela, on peut dire que « le lion » a bien mérité cette appellation que lui ont donnée les militants du Rassemblement des républicains (Rdr), sa famille politique. En outre, il a aussi fait preuve d’un remarquable leadership marqué de qualités de redoutable négociateur, en parvenant à des compromis avec les parties en face.
C’est bien cette accalmie qui a permis à AGC de s’attaquer aux dossiers de son gouvernement. Deux axes majeurs se dessinent. Premièrement, la poursuite de la réalisation des infrastructures socio-économiques contenues dans le Programme national de développement. Pour cela, il a donné des signaux forts, à travers sa présence (suffisamment médiatisée)au lancement des travaux de bitumage de l’axe Lakota-Guitry-Fresco, du prolongement de l’autoroute du Nord de Yamoussoukro à la ville de Tiébissou et de la phase expérimentale de mise en œuvre de la Couverture médicale universelle (Cmu)…À travers ces actions tous azimuts, on peut lire unevolonté d’envoyer un signal fort à l’endroit des populations. Cela, quant à sa détermination d’apparaitre comme un homme d’actions et non pas comme un simple porteur de projets.
Deuxièmement, on peut noter la volonté affichée par AGC d’inscrire l’action de son gouvernement dans un cadre managérial bien défini, pouvant faciliter unsuivi-évaluation objectif. À ce titre, dès sa prise de service, il a organisé un séminaire gouvernemental pour recadrer les programmes d’actions des ministères et élaborer les plans 2017-2020. Un plan triennal qui constitue la dernière ligne droite vers 2020, le cap d’atteinte de l’émergence de la Côte d’Ivoire. Au sortir de cette rencontre de recadrage, il a été convenu d’une évaluation trimestrielle des actions ministérielles. Si cet objectif venait à être atteint, il est évident que de nombreux projets en souffrance dans les tiroirs ou en cours d’exécution connaîtront une réalisation définitive et bénéfique pour tous.
À ce sujet, des signes annonciateurs sont perceptibles. On peut noter, entre autres, le début de règlement de la dette de l’État, grâce à la plate-forme mise en place à ce sujet ; l’opération ville-propre ; la phase expérimentale de la Cmu…Il faut donc souhaiter que cette rigueur gouvernementale affichée ne s’essouffle pas.
Enfin, AGC continue de faire de la coopération internationale un axe essentiel de sa gouvernance. En témoigne sa présence aux différents rencontres organisées à Abidjan et aux assises internationales de la Banque mondiale.
Le bémol de ce bilan des 100 premiers jours reste l’image d’AGC. Son positionnement reste encore insuffisamment explicite pour le citoyen lambda.Pourtant, face au compte à rebours de 2020 qui n’arrête pas de courir, il faudrait une action communicationnelle de choc pour mieux mobiliser les Ivoiriens autour des grands axes à exécuter.
On ne le dira pas assez, la communication, c’est avant tout la qualité du lien qu’on réussit à tisser avec sa cible. Ou, comme le souligne Dominique Wolton, c’est d’abord, une action de partage. Une chose est sûre, cette image se bâtira d’autant plus que des satisfactions seront données aux attentes des populations. Or, pour l’instant, celles-ci essentiellement sociales, restent encore très fortes. Il s’agit de la lutte contre la vie chère, l’attente d’une meilleure redistribution des richesses, la lutte contre la corruption et le chômage (des jeunes), la question de la réconciliation nationale.
En ce qui concerne la lutte contre la corruption, AGC doit parvenir à faire fonctionner les institutions mises en place à cet effet. Pour ce qui est de la redistribution des richesses, il doit accélérer les actions de solidarité avec les plus faibles comme le Programme relatifs aux filets sociaux. Concernantl’emploi, il faut que l’industrialisation rentre dans sa phase d’accélération, en suivant les grandes lignes du Programme national d’industrialisation. Enfin, pour donner un coup d’accélérateur à la réconciliation nationale, AGC devra initier des actions politiques courageuses, susceptibles d’apaiser les cœurs, sans toutefois créer de frustrations de quelque partie. Ces objectifs sont tous à portée, à condition qu’AGC traduise avec rigueur et sans états d’âme dans les faits, ses ambitions clairement affichées.
NURUDINE OYEWOLE
onurudine16@gmail.com
Expert-consultant en Communication