Contribution- HAMED BAKAYOKO, le Franc-Maçon

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Dernère publication

Le décès de Hamed Bakayoko montre la vulnérabilité du Franc-Maçon à qui l’opinion la plus répandue prête pourtant des pouvoirs occultes exorbitants. Le plus important est ce qu’il laisse à la postérité. Ce qui fait la grandeur d’un Franc-Maçon, c’est le témoignage que l’on rend de sa vie au terme de celle-ci. Pas au départ mais à la fin. Ainsi, un Franc-Maçon peut apparaître plus grand par son souvenir quand il a tiré sa révérence, en raison des témoignages des hommes sur ses œuvres forcément et nécessairement, discrètes de son vivant. Le Franc-Maçon ne se dévoile pas. Ce sont ceux qui le voient agir qui le dévoilent. D’ailleurs, Hamed, quand il faisait preuve de générosité, demandait à ceux qui en bénéficiaient d’en garder le plus grand secret.

Ceux qui s’intéressent à la vraie littérature maçonnique savent que la discrétion est l’un des traits fondamentaux de l’institution. Ils s’étonnent de voir ce que l’Institution a apporté au monde dans la plus grande discrétion. Dieu s’est-il une seule fois vanté du monde qu’il a créé. C’est l’homme et la nature qui lui rendent un hommage constant. Pourquoi la petite charité à dimension humaine devrait-elle recevoir gloire et honneur.
Des interrogations sont revenues de façon récurrente sur la présence de Hamed Bakayoko dans l’institution maçonnique. Comment un homme comme lui avait-il pu rejoindre ce corps « d’élites » ou d’intellectuels jusqu’à atteindre les sommets ?
Il faut savoir que les Francs-Maçons partagent en commun une certitude : l’homme est perfectible. L’homme n’est pas une masse difforme imperméable au bien et à la beauté. L’aspiration à la Connaissance définie comme la Lumière qui écarte les ténèbres de l’ignorance, est une invite à faire soi-même un effort d’abandon des mauvaises habitudes pour créer en soi un espace pour ce qu’il y a de plus élevé en nous. C’est cette vocation au réel transcendant que l’on recherche chez tout candidat à l’art maçonnique. C’est cet engagement qui a été perçu chez Hamed Bakayoko et qui lui a valu d’être admis en Franc Maçonnerie.
A la vérité son admission s’est heurtée à des difficultés d’accueil. Puis, au cours de l’une des enquêtes, face à un jury d’hommes de sagesse, il a été redécouvert. Ces réponses n’ont pas échappé à l’assistance et particulièrement à celui qui présidait le jury d’accueil avec pouvoir de réception ou de rejet de sa candidature. Le plus profond du candidat Hamed s’est ainsi révélé. Cet homme-là avait besoin de se parfaire et de vivre une fraternité authentique désintéressée, sans fard, ni redondance. Comme le disait un ancien Grand Maître du Benin, la Franc-Maçonnerie est la seule institution où vous pouvez vous éloigner de votre verre de boisson, revenir, et continuer à en consommer le contenu sans craindre d’être empoisonné. On n’a pas le droit de refuser la lumière à celui qui la désire vraiment. Et, on ne l’a pas refusé à Hamed Bakayoko. Que celui qui n’a jamais péché, jette la pierre.
Quand il devient Grand Maître, il invite le Président du Jury pour lui témoigner sa reconnaissance. Celui-ci lui répond qu’il n’y est pour rien dans son admission et que la réponse qu’il a donnée au jury, il y a une vingtaine d’années, était la clé de la porte du temple qui lui en a permis l’accès. C’est donc lui-même qui a ouvert le temple. A lui d’avancer chaque étape comportant dans ce monde profane les risques des forces des ténèbres. Son invulnérabilité dépendra de sa fidélité aux idéaux d’amour véritable, d’harmonie qu’il irradiera parmi les hommes et de sa foi permanente en Dieu.
Tout ministre qu’il était, il n’a cessé de fréquenter la loge alors qu’il aurait pu en raison de son carnet d’adresses désormais fourni, quitter les rangs. C’est l’évidente preuve que cet homme n’était pas venu pour se servir. En lui persistait cette soif de connaissance et ce besoin inaltérable de fraterniser avec des hommes avec qui il avait en partage les idéaux d’harmonie fraternelle, de foi commune en l’humanité et en l’humanisme.
Puis, gravissant les échelons, il a atteint les sommets bien malgré lui. Sa vie d’homme public va rejaillir sur la Maçonnerie, qui sera moins discrète, plus ouverte, même ouverte sur la politique qui est loin d’être l’un de ses idéaux. Evidemment, portée à ce niveau, elle suscitera les plus grands commentaires. Et, fait inattendue, l’institution s’ouvrira à tous, se « démocratisera » comme si désormais, tout le monde avait droit à la Connaissance. Malheureusement pour lui, les fuites sont nombreuses et bien des nouveaux venus se perdent entre le sacré et le profane.
Grandeur ou décadence d’une institution ? La Franc- Maçonnerie qui a traversé les siècles même les plus hostiles sait se renouveler en tirant avantage de son parcours. Sous Hamed Bakayoko, elle a hérité sans doute d’un message qu’il faut à présent intégrer pour espérer avancer ensemble vers d’avantage de lumière.
Que Dieu dans sa grande mansuétude lui pardonne ses manquements lorsqu’il fut tiraillé entre la grandeur de l’homme de lumière et les faiblesses de l’homme politique et qu’il privilégie ce fond d’humanisme béat que les sages ont découvert en lui, il y a une vingtaine d’années et qui lui ont donné cette chance de se réaliser comme Homme et comme maçon.

Maître Aurélien Obodji Blé

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