Côte d’Ivoire : le député Konan Koffi Marius en guerre contre la corruption en politique

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Dans cette déclaration publiée sur sa page Facebook dans la nuit du 31 mars 2019 , et dont il nous a transmis copie, le député Pdci, Konan Koffi Marius, fait, à la faveur de l’ouverture de la session ordinaire de l’Assemblée nationale le lundi 1er avril 2019 ( la troisième de sa première législature en qualité de député ), le bilan des deux précédentes sessions, et dévoile sa préoccupation au cours de la nouvelleannée parlementaire.

Depuis le 18 décembre 2016, il a plu à Dieu et à la population de ma circonscription électorale de m’inscrire au rang des Députés de la nation . Je siège donc à l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, l’une des deux chambres du parlement bicamérale ivoirien depuis l’adoption de la Constitution du 8 novembre 2016.

Pour être très honnête et très sincère avec vous, la première année de ma législature qui s’est ouverte le 3 avril 2017 a été un véritable temps d’imprégnation dans cet environnement nouveau avec ses règlements et ses pratiques vieux de plusieurs décennies. Certes, avant ce jour, j’avais mûri le rêve de participer activement au débat politique ivoirien à un certain niveau de représentation, mais ce jour-là, j’étais de pleins pieds dans la réalité; et comme toute personne dans un nouvel environnement, chacun peut aisément deviner les premiers sentiments qui m’ont habité.

Il m’a tout de suite fallu trouver ma place au sein de mon groupe parlementaire de plus de quatre vingt personnes aux expériences diverses et variées, parmi lesquelles le nouveau venu que j’étais se devait de se montrer à la hauteur des défis qui nous y attendaient.

Les plus anciens d’entre nous ont vite fait de nous dévoiler les difficultés auxquelles nous allions être confrontés dans ce haut lieu du pouvoir législatif. Les affinités se sont très vite créées, et nous nous mîmes au travail qui a consisté pour l’essentiel à la maîtrise des procédures, et à l’organisation du travail parlementaire.

Durant les neuf mois de la session 2017, j’ai pu faire quelques interventions sporadiques sans grand débat pour affiner la maîtrise de la prise de parole dans une telle assemblée.

À cette époque, la position politique de mon groupe parlementaire qui était membre de la coalition au pouvoir n’a pas facilité les choses à certains moments, et je me suis rappelé des fois les propos d’une collègue qui a refusé de regagner le groupe parlementaire de son parti d’origine estimant que malgré les prérogatives reconnues par la constitution aux Députés, lors de l’examen de certaines lois, la discipline dite du groupe pouvait avoir une influence sur le droit d’amendement des parlementaires lors des débats.

Quand s’ouvrit la session 2018, je me sentais plus motivé, les hésitations et le stress de tout débutant devant un public de deux-cent cinquante-deux Députés étaient passées; j’avais assimilé l’essentiel des procédures tant en commission qu’en plénière, et désormais je me sentais prêt à ouvrir des débats, et à soutenir une position qui me semblait juste, même si je devais me retrouver seul contre tous lors du débat, et après me soumettre à la règle de la démocratie qui donne la force à la majorité.

La situation politique ivoirienne d’alors animée par le débat de l’alternance entre le PDCI-RDA et ses alliés du RHDP (groupement de partis politiques), aura des effets sur la ligne de travail des alliés au sein de l’hémicycle. Les relations entre les alliées, tendues depuis le 10 mars 2018 se sont dégradées au fur et à mesure, et au second semestre de l’année, mon parti s’est retrouvé dans l’opposition.

L’ardeur dans la tâche s’est alors décuplée pour chacun des membres du notre groupe parlementaire PDCI-RDA, et je me sentais personnellement plus motivé que jamais. Désormais les observations pertinentes que nous pouvions faire lors des examens de lois ne souffriraient plus du filtre du groupe parlementaire du fait de la coalition.

J’avoue que j’ai terminé la session 2018, convaincu d’avoir bien servi mon pays en termes de participation au débat parlementaire.

La session ordinaire de l’Assemblée nationale ouverte le lundi 1er avril 2019, sera, à mon niveau, placée sous le signe de L’ENGAGEMENT.

Cette année, j’ai décidé de m’engager pour la lutte contre la corruption dans le milieu politique. Tous les hommes politiques nous diront que leur détermination à lutter contre la corruption en général est sans réserve, mais nous constatons hélas qu’aucun moyen véritable n’est mis place pour marquer la volonté d’engager la lutte.
Après avoir suivi le déroulement des campagnes pour les dernières élections municipales et régionales et les excès que nous avons pu observer çà et là, je me suis convaincu que les choses ne pouvaient pas continuer ainsi sans que le peuple ne réagisse.
Lors des dernières élections, j’ai pu constater d’importantes démonstrations de puissance financière des candidats de tout bord, et je me suis posé la question de savoir d’où pouvaient-ils sortir tant d’argent à gaspiller dans le « m’as-tu vu », étant donné que nous nous connaissons suffisamment bien dans ce pays pour savoir que la trop grande générosité de certains candidats lors des derniers scrutins n’était pas conforme à leurs habitudes de vie.
J’ai compris qu’il pouvait y avoir un problème, et je me suis résolu à travailler sur LE FINANCEMENT DES CAMPAGNES PRESIDENTIELLES, LES COMPTES DE CAMPAGNE ET LE FINANCEMENT DE LA VIE POLITIQUE dès 2019.
En Côte d’Ivoire, le financement de la vie politique repose essentiellement sur la loi n°2004-494 du 10 septembre 2004 relative au financement sur fonds publics des partis et groupements politiques et des candidats à l’élection présidentielle.
L’article 3 de cette loi est ainsi énoncé : « le montant des subventions allouées aux partis et groupements politiques est fixé chaque année par la loi de finance et représente un millième (1/1000e ) du budget de l’État ».
Bien que libellé ainsi, le Ministère en charge du budget décide chaque année d’octroyer aux partis et groupement politiques moins d’un millième (1/ 1000e ) du budget de l’État de Côte d’Ivoire sans aucune base légale et en violation de la loi suscitée.
Concrètement, le budget de l’État de Côte d’Ivoire pour l’année 2019 s’équilibre et en ressources et en charges à 7 334 049 201 458 F CFA, mais comme révélé plus haut, seulement 3 652 000 000 F CFA sont prévus pour le financement des partis et groupement politiques contre 7 334 049 201,458 F CFA (conformément à la loi qui veut que ce soit le millième du budget).
Notons que le financement des partis et groupements politiques est destiné, aux termes de l’article 2 de la loi 2004-494 du septembre 2004 « à concourir à la formation de la volonté du peuple et à l’expression du suffrage », un objet bien déterminé pour ses ressources. Alors, comment a-t-on pu accepter que le Ministère en charge du budget choisisse délibérément de réduire la subvention des partis et groupements politiques dont la destination est bien déterminée par la loi ? Quelle rigueur pourrions-nous exiger de son utilisation quand nous avons cautionné la réduction des subventions en violation de la loi ?
Dans le cadre de notre pouvoir constitutionnel relatif au contrôle de l’action gouvernementale, il nous revient de veiller à son appliquons totale et à mieux encadrer l’utilisation de cette subvention. C’est donc un débat que je soulèverai dans le cadre des questions orales avec débats.
En ce qui concerne le financement des candidats à l’élection présidentielle, il est important de rappeler que les candidats bénéficient d’une subvention exceptionnelle mais comme inscrit dans les articles 10 et suivants, elle n’intervient qu’après les résultats proclamés par le Conseil Constitutionnel.
La loi ne dit pas comment les candidats mobilisent les moyens matériels et financiers pour leur campagne dans un esprit de transparence. C’est à ce niveau qu’apparaissent mes premières inquiétudes car la loi ivoirienne se limite juste à préciser en son articles 13 qu’aucun parti ou groupement politique ivoirien ne peut recevoir ni directement ni indirectement des contributions financières ou des aides matérielles provenant de personnes morales de droit public ou de sociétés à participation publique.
Le second alinéa de cet article 13 interdit aux partis et aux candidats à l’élection présidentielle de recevoir, accepter, solliciter ou agréer des dons, des présents, des subsides, des offres et tous les autres moyens émanant d’entreprises, d’organisation ou de pays étrangers.
Telle que la loi le dit, plusieurs questions nous viennent à l’esprit : les personnes physiques qu’elles soient nationales ou étrangères peuvent-elle financer un candidat à l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire ? Si oui, alors comment est encadré ce financement ?
De mon point de vue, les sources de financement de l’élection présidentielle aux termes de cette loi ne sont pas clairement identifiées et les dépenses qui en découlent ne sont pas correctement encadrées. Je pourrais affirmer sans me tromper que chaque candidat trouve ses moyens comme il peut pour financer sa campagne sans aucune limitation et aucune justification n’est exigée sur l’origine des moyens financiers utilisés.
Une telle situation nous laisse croire que notre pays n’est pas à l’abri des maux qui minent notre sous-région d’ailleurs marquée par le terrorisme et son argent sale, le trafic de drogue et ces réseaux de blanchiment d’argent, les trafics humains et autres trafics de tout genre qui pourraient intervenir directement ou indirectement dans le financement des candidats à l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Le milieu politique ivoirien doit donner le bon exemple de la transparence et de l’honnêteté dans la gestion des affaires publiques.
Le peuple a besoin de savoir d’où sort l’argent qui finance les campagnes présidentielles et autres. Des jets privés, des hélicoptères, de gros moyens ont été déployés lors des élections présidentielles de 2010 et même pendant celle de 2015. Personne ne peut nous dire combien ont dépensé les candidats et comment ont-ils mobilisé les ressources.
Si par le passé, la question pouvait être considérée comme sans intérêts, aujourd’hui la bonne gouvernance exige de la transparence à tous les niveaux. La quête perpétuelle du bien-être du peuple pose des exigences nouvelles en conformité avec les valeurs de la République. Le peuple veut que les hommes politiques qui le dirigent soient transparents vis-à-vis de lui. Il attend de ses dirigeants, de l’honnêteté et de la sincérité dans la vie publique.
En France un pays duquel nous avons hérité de bon nombre de nos institutions, il existe la Commission Nationale des Comptes de Campagne et des financements politiques, créée par la loi n°90-55 du 15 janvier 1990 relative à la limitation et à la clarification du financement des activités politiques. C’est une autorité administrative indépendante qui dispose de réels pouvoirs de contrôler les comptes de campagne électorale et le financement des partis politiques.
Même si dans l’immédiat il serait difficile d’envisager un dispositif identique en Côte d’Ivoire, il n’en demeure pas moins nécessaire de baliser les choses dans notre pays. C’est pour cette raison que je m’engagerai au cours de cette session 2019 à travailler sur cette problématique afin de proposer à notre parlement un cadre de contrôle du financement de la campagne présidentielle et autres.
Les comptes de campagne et le financement de la vie politique en côte d’Ivoire doivent faire l’objet de transparence vraie, pas juste quelques actions de saupoudrage bonnes pour être éligible à certains fonds au plan international, mais une volonté réelle d’assainir le milieu politique et d’envoyer un signal fort au peuple.
Dès 2020 nous voulons des campagnes présidentielles propres avec des financements propres pour un président de la République élu avec de l’argent propre.
Osons la transparence à ce niveau déjà, pas d’élection présidentielle avec des moyens matériels et financiers aux contours flous. Le peuple veut être à l’image de ses dirigeants, que les candidats à la prochaine présidentielle donnent l’exemple, après quoi nous chercherons à comprendre comment certains fonctionnaires et des agents de l’administration publique s’organisent pour construire de nombreux immeubles en Côte d’Ivoire.

Fait à Abidjan le 31 mars 2019 Honorable KONAN Koffi Marius Député de la nation

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