Côte d’Ivoire : le oui mais des députés de l’opposition sur le budget programme 2020

2906

Dernère publication

Saluant dans une déclaration commune, la mise aux normes communautaires Uemoa du budget de la Côte d’Ivoire pour l’année 2020, les groupes parlementaires de l’opposition déplorent cependant la programmation pour présentation par le gouvernement, et examen par les députés des dits projets.

Après analyse, les parlementaires disent réserver leur approbation relativement à l’exposé des motifs, même si le projet a été adopté en commission, à la majorité des voix, des membres de la commission des affaires économiques et financières de la première chambre du parlement. Ci dessous, la déclaration de ces groupes.

Monsieur le Président,

Les Groupes parlementaires PDCI-RDA, RASSEMBLEMENT et VOX POPULI ont examiné avec une attention particulière le projet de loi de finances portant budget de l’Etat pour l’année 2020.
Les Groupes parlementaires PDCI-RDA, RASSEMBLEMENT et VOX POPULI voudraient se réjouir d’emblée de la présentation de ce projet de loi dans le respect de la Loi n° 2014-336 du 05 juin 2014 relative aux Lois de finances et de la Loi organique n° 2014-337 du 05 juin 2014 portant code de transparence dans la gestion des Finances publiques, qui instituent le nouveau cadre harmonisé des Finances publiques au travers du Budget-Programme dans l’espace UEMOA.
Le budget-programme est un mode de gestion des finances publiques avec pour but d’instaurer une plus grande cohérence entre les objectifs de développement et les allocations budgétaires. Dans ce système, les crédits budgétaires sont adoptés par programme, les prévisions sont axées sur les programmes et concordent pleinement avec les plans de dépenses du budget annuel.
Tout en saluant ce basculement qui a débuté par l’organisation du Débat d’Orientation Budgétaire (DOB) le jeudi 27 juin 2019 à l’Assemblée nationale, les Groupes parlementaires PDCI-RDA, RASSEMBLEMENT et VOX POPULI relèvent que la programmation précipitée de cet important projet de loi n’a pas permis un examen approfondi des différents documents.
En effet, il a été dénombré 139 programmes répartis en 9 missions, avec à la clé, le projet de loi de finances portant budget de l’Etat pour l’année 2020 dont la programmation a connu des balbutiements et dont l’examen a été étalé sur trois journées.
Fort de ce qui précède, les Groupes parlementaires PDCI-RDA, RASSEMBLEMENT et VOX POPULI souhaitent pour l’avenir, une programmation qui tienne compte des exigences induites par le basculement du budget par moyens au budget-programme, surtout que l’examen dudit budget dans le cadre harmonisé de gestion des finances publiques constitue un nouvel exercice aussi bien pour les Députés que pour les membres du Gouvernement.

La présente déclaration des Groupes parlementaires PDCI-RDA, RASSEMBLEMENT et VOX POPULI s’articule autour des points suivants :
1.La présentation synthétique du projet de budget de l’Etat pour l’année 2020
2.Les observations et recommandations des Groupes parlementaires

I.PRESENTATION DU PROJET DE BUDGET DE L’ETAT POUR L’ANNEE 2020

Elaboré dans un contexte international et un environnement socio-politique et économique national favorables, le projet de Budget 2020 devrait conduire à une croissance économique de 7,3% entrainée par l’ensemble des secteurs d’activités et particulièrement par les contributions du secteur tertiaire pour 3,4% et du secteur secondaire pour 2,2%.
Au cours de l’année 2020, la politique budgétaire sera caractérisée par la poursuite de l’amélioration du recouvrement des recettes intérieures, les efforts de maitrise des charges de fonctionnement et de la dette en vue de renforcer la lutte contre la pauvreté et accroitre les investissements. L’objectif visé sera de consolider le déficit budgétaire à 3% du PIB conformément à la norme communautaire de l’UEMOA.
Le projet de Budget de l’Etat pour l’année 2020 s’équilibre en Ressources et en Charges à 8.061 milliards de FCFA en hausse de 9,9 % par rapport au budget 2019 dont le montant est de 7. 334, 3 milliards de FCFA.
Cet équilibre devrait s’établir à 8.432,6 milliards de FCFA et 9.283,1 milliards de FCFA respectivement en 2021 et 2022. Le projet de budget 2020 est structuré en 35 dotations et 149 programmes budgétaires, logés au sein des Institutions et Ministères.

1.LA SITUATION DES RECETTES ET DEPENSES BUDGETAIRES

Les recettes et les dépenses budgétaires s’élèvent respectivement à 4.379,5 milliards de FCFA et 5.807,2 milliards de FCFA.

1-1 Recettes budgétaires : 4.379,5 milliards de FCFA

Les recettes budgétaires, représentant 54,3% des ressources du budget de l’Etat, comprennent :
•Les Recettes fiscales : 3.940,8 milliards de FCFA, en hausse de 381,8 milliards de FCFA (+10,7%) par rapport à l’estimation à fin 2019.
•Les Autres ressources intérieures : 79 milliards de FCFA
•Les Dons : 359,7 milliards de FCFA
Pour l’année 2020, la pression fiscale ressortirait à 16,9% contre 16,7% attendus à fin 2019.

1-2 Les Dépenses budgétaires : 5.807,2 milliards de FCFA

Elles représentent 72 % du budget de l’Etat et portent principalement sur :
•Les charges financières de la dette : 643 milliards de FCFA ;
•Les dépenses de personnel : 1.770,1 milliards de FCFA,
•Les achats de biens et services : 747,9 milliards de FCFA
•Les transferts : 545,8 milliards de FCFA ;
•Les dépenses d’investissement (hors comptes spéciaux du Trésor) : 2.100,3 milliards de FCFA représentant 26,1% du budget contre 26,0% en 2019, et 7,5% du PIB.
Les prévisions de recettes et de dépenses budgétaires dégagent un solde budgétaire déficitaire de l’administration centrale de 1.427,7 milliards de FCFA qui sera financé par les ressources de trésorerie.

2.RESSOURCES ET CHARGES DE TRESORERIE

Les ressources et les charges de trésorerie prévues dans le projet de budget 2020 s’élèvent respectivement à 2.921,8 milliards de FCFA et 1.494,1 milliards de FCFA.

2.1 Ressources de Trésorerie

Les ressources de trésorerie projetées à hauteur de 2.921,8 milliards de FCFA, représentent 36,2% du budget. Elles sont constituées :
•Des produits de cession des actifs attendus à hauteur de 126,3 milliards de FCFA;
•Des produits des emprunts attendus à 2.794,0 milliards de FCFA contre 1.320,6 milliards de FCFA en 2019;
•Des produits des remboursements des prêts rétrocédés, prévus à hauteur de 1,5 milliard de FCFA.

2.2 Charges de Trésorerie

Les charges de trésorerie sont programmées à hauteur de 1.494,1 milliards de FCFA et représentent 18,5% du budget.

Elles concernent :
•Le remboursement du capital de la dette intérieure, à hauteur de 1.015,1 milliards de FCFA
•Le remboursement du capital de la dette extérieure pour un montant de 479 milliards de FCFA.

3.RECETTES ET DEPENSES DES COMPTES SPECIAUX DU TRESOR

Les recettes des Comptes Spéciaux du Trésor ainsi que les dépenses correspondantes sont projetées à 759,7 milliards de FCFA pour l’année 2020.

4.LA REPARTITION DES DEPENSES DU PROJET DE BUDGET DE L’ANNEE 2020 PAR MISSION

Une mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie. Dans le cadre du Budget-programme, les dépenses du budget 2020 ont été regroupées en 9 missions créées par le Gouvernement.
Ainsi, les dépenses du projet de budget 2020 se répartissent par mission comme suit :

1.Pouvoirs Publics, Souveraineté et Gouvernance : 741,2 milliards de FCFA
2.Défense, Sécurité et Justice : 585,8 milliards de FCFA
3.Administration Générale et Développement Economique : 2.873,2 milliards de FCFA ;
4.Enseignement, Formation et Recherche : 1.330 milliards de FCFA ;
5.Santé et Actions Sociales : 530,7 milliards de FCFA ;
6.Culture et Loisirs : 213 milliards de FCFA ;
7.Développement des Infrastructures et Equipements Collectifs : 1.416,8 milliards de FCFA ;
8.Production, Développement Industriel et Commercial : 177,9 milliards de FCFA ;
9.Environnement, Cadre de Vie et Protection de la Nature : 192,4 milliards de FCFA.

II. OBSERVATIONS SUR LE PROJET DE BUDGET DE L’ETAT POUR L’ANNEE 2020

Les observations des Groupes parlementaires PDCI-RDA, RASSEMBLEMENT et VOX POPULI porteront sur les points suivants : la gouvernance, la sincérité des prévisions budgétaires, la Transparence dans la gestion de la loi de finances, le taux de la pression fiscale, le Transfert des compétences et les dotations aux collectivités et l’impact social du budget.

1.La Gouvernance

Dans un souci d’économie, le Gouvernement aurait dû être réduit plutôt que de connaître une inflation en nombre de Ministères. Ce d’autant que les attributions de certains Ministères et secrétariats d’Etat se chevauchent, comme cela a pu être constaté, par les membres du Gouvernement et les Députés, au cours de l’examen des programmes. Le coût estimé de cette inflation est de l’ordre d’un milliard par département ministériel créée en sus.
Une réduction du nombre pléthorique de Ministres apporterait une économie substantielle d’au moins 10 Milliards dans le Budget de l’Etat.
De plus, une affectation des ressources à des investissements plus productifs apporterait un levier important au développement de la Côte d’Ivoire

2.La sincérité des prévisions budgétaires

Aux termes de l’article 8 de la loi organique N°2014-337 du 05 juin 2014 portant code de transparence dans la gestion des Finances publiques « les opérations financières sont régies par les principes budgétaires dont le principe de la sincérité qui implique que les lois de finances présentent de façon fiable et fidèle l’ensemble des ressources et des charges de l’Etat. Leur sincérité s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ».
L’exécution des Budgets des trois années précédentes laisse apparaitre les déficits suivants :
•Budget 2018 : -103 564 796 838 F CFA
•Budget 2017: – 168 766 644 146 F CFA
•Budget 2016 : – 64 980 439 603 F CFA
Aussi, les Groupes parlementaires PDCI-RDA, RASSEMBLEMENT et VOX POPULI voudraient savoir si les projections du Budget 2020 ne sont pas encore trop optimistes en raison de leur évolution jugée élevée au regard du niveau des réalisations antérieures. C’est ici le lieu de souligner que les prévisions de recettes n’ont pu être atteintes depuis trois (3) ans.
D’ailleurs, dans son rapport sur l’exécution de la loi de finances en vue du règlement du budget de l’année 2018, la Cour des Comptes a recommandé au Ministre en charge du Budget l’établissement de prévisions budgétaires plus réalistes afin de garantir la sincérité du budget.
Par ailleurs, l’année 2020 étant une année électorale, il n’est pas à écarter que le comportement des ménages et des investisseurs puisse être empreint d’une certaine prudence de nature à impacter l’économie.

3.La Transparence dans la gestion de la loi de finances

Les Groupes parlementaires PDCI-RDA, RASSEMBLEMENT et VOX POPULI regrettent que la présentation des documents de programmation pluriannuelle des dépenses-projets annuels de performance (DPPD-PAP) 2020-2022 n’ait pas permis de ressortir la transparence dans la gestion de ce budget.
En effet, un certain nombre de programmes manquent d’indicateurs de performance pertinents en cohérence avec les défis à relever.
En outre, il a été observé dans le DPPD, un manque d’information sur le coût global des projets et les éventuelles réalisations antérieures à 2020 ou postérieure à 2020

4.Le Taux de la pression fiscale

Si les recettes fiscales sont estimées à 3.940,8 milliards de FCFA en 2020, en hausse de 381,8 milliards de FCFA (soit +10,7%) par rapport à l’estimation à fin 2019, il n’en demeure pas moins que le taux de pression fiscale reste en deçà de la norme communautaire.
En effet, selon le pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité entre les Etats membres de l’UEMOA, la pression fiscale doit être supérieure ou égale à 20% en 2019.
Or pour l’année 2020, la pression fiscale est projetée à 16,9%. Elle est estimée à 16,7% à fin 2019.
Quelles sont les mesures concrètes envisagées par le Gouvernement pour atteindre cette norme communautaire et en quelle année ?
Pour les Groupes parlementaires PDCI-RDA, RASSEMBLEMENT et VOX POPULI, des efforts pourraient être réalisés dans le recouvrement des impôts (Impôt foncier), l’élargissement de l’assiette ou le relèvement de certaines impositions (taxes sur le tabac), ou encore la réduction de certaines dépenses fiscales.
5.Le Transfert des compétences et les dotations aux collectivités
Les concours financiers aux collectivités au titre de l’année 2020 s’élève à 241,1 Milliards de FCFA sur un budget de 8061 Milliards, soit seulement 2,9%.
Les Groupes parlementaires PDCI-RDA, RASSEMBLEMENT et VOX POPULI regrettent la faiblesse de cette dotation et demandent son relèvement à au moins 10 % du budget global.
Les Groupes parlementaires PDCI-RDA, RASSEMBLEMENT et VOX POPULI demandent une application du transfert de compétences aux collectivités.

6.L’impact social du budget

Les Groupes parlementaires PDCI-RDA, RASSEMBLEMENT et VOX POPULI se sont intéressés à l’impact social de ce budget notamment sur le faible niveau du pouvoir d’achat des ménages constitués pour la plupart de planteurs et de chômeurs qui peinent à vivre décemment parce qu’ils se trouvent dans un état de dénuement total.
Selon l’indice du Développement Humain (IDH) du PNUD, la Côte d’Ivoire occupe le 35è rang en Afrique et le 170è dans le monde.
C’est pourquoi, les Groupes parlementaires PDCI-RDA, RASSEMBLEMENT et VOX POPULI appellent l’attention du Gouvernement sur la nécessité d’une meilleure allocation des ressources afin d’assurer à la Côte d’Ivoire un développement harmonieux et un bien-être aux Ivoiriens.
Au regard de ce qui précède, les Groupes parlementaires PDCI-RDA, RASSEMBLEMENT et VOX POPULI réservent leur position sur la prise en considération de l’exposé des motifs du présent projet de loi de Finances portant Budget de l’Etat pour l’année 2020.


Fait à Abidjan, le 21 novembre 2020

Les Groupes parlementaires
RASSEMBLEMENT et VOX POPULI

Commentaire

PARTAGER