Désaccord entre avocats sur la comparution de Soro, Ahoussou, Mangou, Kassaraté ‎au procès de Mme Gbagbo

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Moins de cinq mois après l’ouverture de son procès pour “crimes de guerre’’ et “crimes contre l’humanité’’, l’ex-Première dame Simone Gbagbo a, sur recommandation de ses avocats, refusé mardi 25 octobre 2016 de comparaître. Ce refus a été motivé par une question de procédure relative à la citation à comparaître de plusieurs personnalités ivoiriennes.

Le procès de Simone Gbagbo a été suspendu mardi 25 octobre 2016 par le président de la Cour d’assises en charge de l’affaire, pour une reprise prévue le jeudi 3 octobre 2016 , après le référendum du 30 octobre 2016. L’ex-Première dame a refusé de se présenter devant la Cour , pour se conformer à la décision de ses avocats qui avaient annoncé le lundi 24 octobre 2016 la suspension de leur participation au procès, après le rejet de leur proposition de faire comparaître Guillaume Soro, le président de l’Assemblée nationale, Charles Diby Koffi, le président du Conseil économique et social, Jeannot Kouadio Ahoussou, le ministre d’Etat auprès du président de la République chargé du Dialogue politique et des Relations avec Institutions, les ambassadeurs Philippe Mangou, l’ex-chef d’Etat major des Forces de Défense de Sécurité (Fds) et Edouard Kassaraté, ex-commandant supérieur de la gendarmerie, ainsi que Bredou M’Bia, le Directeur général de la police nationale.

Il est ressorti des explications de Me Dirabou Mathurin, l’un des cinq membres du Conseil de Simone Gbagbo, et Me Soungalo Coulibaly, l’un des avocats de l’Etat, joints le mardi 25 octobre 2016, que le blocage est venu d’une question de procédure dans la citation.

Me Dirabou Mathurin a, d’abord, indiqué qu’en vue d’une citation à comparaître, les avocats n’ont pas besoin d’adresser un courrier au président du tribunal ni à un éventuel témoin. Il entend ainsi battre en brèche la thèse selon laquelle la Défense de l’ex-Première dame a commis une erreur de procédure en adressant un courrier aux témoins pour les citer à comparaître, plutôt qu’au président de président de la Cour d’assises.

« On peut faire la citation directement par voie d’huissier. Cette procédure est prévue. Quand on parle de citation, c’est par voie d’huissier. Quand on parle de notification, on peut écrire. (…) La notification à adresser au président de la Cour pour donner les noms de ceux qu’on veut faire citer à comparaître est effectuée 24 heures avant l’ouverture des débats. Cela a été fait », a précisé Me Dirabou, à ce sujet.

Parlant ensuite de la procédure de citation à faire comparaître Guillaume Soro, Charles Diby Koffi, Jeannot Kouadio Ahoussou, Philippe Mangou, Edouard Kassaraté et Bredou M’Bia, il a fait savoir : « Mais comme ils ne sont pas venus, nous allons maintenant procéder à la citation. C’est lorsque le témoin ne se présente pas au procès qu’on procède à la citation. »
Dans l’entendement des avocats de Simone Gbagbo, les personnalités citées avaient l’obligation de se présenter comme témoins devant la Cour, dès l’instant où leurs noms ont été notifiés au président de la Cour, 24 heures avant l’ouverture des débats.
C’est au regard de la violation de cette obligation, selon Me Dirabou, qu’ils ont demandé à l’ex-Première Dame de ne pas comparaître le mardi 25 octobre 2016.
Il a ajouté que si le témoin cité ne se présente pas au procès après avoir reçu la citation à comparaître, la Cour peut le contraindre à venir témoigner.
Sur cette procédure de citation à comparaître, Me Soungalo Coulibaly a apporté ces éléments complémentaires : « La citation se fait par exploit d’huissier, si un avocat veut faire citer quelqu’un à comparaître à titre de témoin. Si l’avocat veut le faire citer à comparaître, il le lui signifie. Et lorsque le concerné le reçoit, l’avocat dépose une copie (du document de citation à comparaître, Ndlr) chez le président de la Cour. Que ce soit devant le Tribunal de première instance ou devant le Tribunal correctionnel, c’est cette procédure qui est suivie, lorsqu’on donne des citations à comparaître. Celui qui le reçoit peut être cité à titre de témoin, à titre de prévenu ou comme partie civile. Quand la citation est déposée, le président de la Cour doit être informé. »
Pour souligner que la Défense de Simone Gbagbo n’a pas encore accompli cette démarche, il a relevé que le président de la Cour (en charge du procès de Simone Gbagbo) n’avait pas dans son dossier, les copies de la citation à comparaître des témoins cités lors de la notification.
« Ils (les avocats de la Défense, Ndlr) n’avaient pas accompli cette formalité. Ils n’ont pas suivi cette procédure qui est prévue dans le code de procédure pénale. Ils n’ont pas respecté les textes. Ils n’ont fait qu’une simple notification. Nous, en tant qu’avocats de l’État , ils nous ont informé des témoins qu’ils allaient utiliser. Ils ont remis la liste de ces témoins au Parquet. Mais ils n’ont pas fait la citation aux témoins pour faire savoir par exemple, qu’un huissier est allé voir M. Guillaume Soro qui a reçu le papier (l’exploit, Ndlr). Ils devraient revenir avec une copie de l’exploit pour le remettre à la Cour. La Cour n’avait rien reçu. (…) La copie de la citation n’était pas dans le dossier de la Cour. Si celui qui juge n’a pas la citation, il n’est pas informé qu’un témoin doit comparaître. La Cour n’est pas informée qu’il y a tel ou tel témoin qui doit comparaître », a clarifié Me Soungalo, pour dire que c’est après l’accomplissement de cette procédure que les avocats de la Défense auraient pu envisager de suspendre leur participation au procès.
Avant l’incident à l’origine de la suspension du procès par le président de la Cour, le lundi 24 octobre 2016, le témoin de l’accusation Souleymane Diallo avait déclaré à la barre avoir « tué des personnes envoyées par Mme Gbagbo pour l’abattre. »
Le président de la Cour, le juge Boiqui Kouadjo, avait affirmé que ce témoin « était dans un état second, en transe », alors que la Défense avait exigé qu’il se présente à nouveau à la barre.
Les personnalités ivoiriennes que souhaitent voir comparaître les avocats de Simone Gbagbo font partie des 25 témoins de l’accusation.
C’est le 31 mai 2016 que s’est ouvert à Abidjan le procès pour “crimes de guerre’’ et “crimes contre l’humanité’’ de l’épouse de l’ancien président Laurent Gbagbo, également en procès pour les mêmes chefs d’accusation à la Cour pénale internationale (Cpi) avec Charles Blé Goudé, le présumé leader de l’ex-galaxie patriotique, dans le cadre de la crise postélectorale de 2010-2011 ayant engendré environ 3000 morts.

Alex Aguié

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