Interview – Foua Ernest de Saint Sauveur, écrivain : “Pourquoi, nous avons créé les Banquets de l’Esprit”

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Foua Ernest de Saint Sauveur, écrivain

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Il est écrivain, journaliste, éditeur, promoteur de ‘’Les Banquets de l’Esprit. Foua Ernest de Saint Sauveur, ancien président de l’Association des écrivains de Côte d’Ivoire(Aeci) et président honoraire a lancé les Banquets de l’Esprits. Dans cette interview qu’il nous accordée, le fondateur du magazine culturel Zaouli et Gérant des Editions Saint Sauveur dit tout.

Comment l’idée vous est-elle venue de créer ce que vous appelez ‘’les Banquets de l’Esprit’’, sachant que vous êtes un écrivain connu?

L’idée ‘’des Banquets de l’Esprit’ doit au postulat d’André Malraux, homme politique et écrivain français du 20ème siècle, selon quoi, le 21ème siècle serait spirituel ou ne serait pas. Cet énoncé prédisait que le 21ème (notre siècle actuel) devrait, pour s’accomplir tout à fait, valoriser l’esprit et les valeurs qui en relèvent : la spiritualité, la culture, la fraternité, l’humanisme, etc. Se préoccuper absolument de donner et de trouver, à l’existence humaine, un sens élevé, spirituel. J’ai produit un livre, un essai d’environ 400 pages, à étayer cet axiome de Malraux qui, au final, apparaît comme un défi de noblesse et d’heureux accomplissement lancé à l’humanité. Ce livre, c’est L’Antichambre du Royaume ; il est paru en décembre 2020, aux Editions Saint Sauveur.
Comme pour m’inscrire dans la trame de ce défi malrusien, je m’étais promis d’aller de lieu en lieu, de place en place, à travers le pays, pour diffuser largement le message de L’Antichambre du Royaume. Et puis, quand il a lu le livre, un ami cher, le Professeur Logbo Gnézé Raymond, anciennement enseignant de philosophie à l’Université Alassane Ouattara de Bouaké, m’a ainsi interpellé, enthousiaste et chaleureux : « Foua, ce livre que tu viens de publier, L’Antichambre du Royaume, est d’une telle valeur et densité spirituelle, philosophique et humaine qu’il mérite que lui soit consacré un colloque ! » Dans le fil de notre conversation et sur sa lancée, le Professeur Logbo se désolait que des auteurs d’envergure comme moi, comme le Professeur Niamkey Koffi, Marcel Amondji, Frédéric Grah Mel, Tiburce Koffi et autres Camara Nangala, produisent des œuvres majeures, dans l’indifférence et le désintérêt de nos compatriotes, plus appâtés par des futilités matérielles ! Aussi, me suggérait-il que, désormais, à chacune de nos productions littéraires, nous allions plus loin que d’organiser juste des cérémonies officielles de présentation publique… Pour asseoir des conférences, des colloques, des tables rondes et autres cafés littéraires autour de nos œuvres. C’est lui, qui a proposé d’intituler ces assises : ‘’Les Banquets de l’Esprit’’. Des lieux d’agapes littéraires, où l’on se préoccuperait de nourrir à satiété l’esprit ; à l’effet d’atténuer la tendance excessivement matérialiste de notre environnement social.
On peut donc voir ‘’Les Banquets de l’Esprit’’ comme une institution culturelle et spirituelle, soucieuse de valoriser la foi en Dieu et en l’homme, l’amour de Dieu et de l’homme ; soucieuse aussi de donner la priorité à l’Être au détriment de l’Avoir, d’élever l’humain dans les valeurs de l’altérité, de la noblesse d’âme, de cœur et d’action.

Quel but ou objectif, voulez-vous atteindre avec cette tribune que vous donnez aux autres intellectuels?

‘’Les Banquets de l’Esprit’’, c’est un moment ou un mouvement qui s’inscrit dans le lieu de la croissance psychologique, humaine et spirituelle à laquelle la vie appelle chaque âme. Dans le lieu aussi de la transmission, aux jeunes consciences, des valeurs nobles qui fondent l’humain et la vie en société. L’existence est un lieu et un temps de connaissance mais encore de transmission de valeurs élevées, des générations aînées aux générations cadettes. C’est pourquoi, notre souci porte également sur l’éducation de la jeunesse.
Vous savez, il est un constat que nous sommes nombreux à faire aujourd’hui, en prenant le poul de notre société ivoirienne, c’est que la grande majorité de nos concitoyens, même quand ils s’affichent comme des croyants, ne voient de sens à la vie que dans l’argent et la possession de biens matériels. Pour ceux-là, la réussite se mesure à l’aune de la position sociale et de la fortune matérielle. Aussi, l’être humain, en lui-même, la richesse d’âme et de cœur, la croissance spirituelle, toutes ces saintes valeurs n’ont-elles aucune espèce d’importance, pour ces esprits nains. C’est une inclination qui n’est pas particulière aux Ivoiriens. Pour dire vrai ; elle s’universalise dans toutes les sociétés humaines du globe. Ce lourd déficit de vision justifie les assises ‘’des Banquets de l’Esprit’’.
Nous ouvrons la chose aux autres intellectuels, du fait qu’ils partagent notre conviction, notre souci et notre espérance. Une manière de montrer qu’en dépit de la densité du brouillard du matérialisme et du grand nombre de ceux qui en subissent les affres, les ouvriers de l’esprit existent encore. Ils communalisent leurs efforts et leurs talents ; ils sont à l’œuvre ; certes, en minorité mais en qualité certaine.

Comment ont été accueillies les premières éditions ‘’des Banquets’’ ?

‘’Les Banquets de l’Esprit’’ sont une activité naissante, jeune ; nous n’en sommes qu’à la deuxième édition. La première, l’édition initiale, ne s’est tenue que le 19 décembre 2020. C’était au Centre de recherche et d’action pour la paix (Cerap), à Cocody. L’assistance était modeste, tout comme d’ailleurs lors de la seconde édition du samedi 13 mars 2021, à la Maison de la Presse d’Abidjan-Plateau. Mais de cela, je veux dire s’agissant des affluences, nous étions conscients, à l’entame du projet, que nous ne mobiliserions pas des foules, lors de nos assises. En vertu même de notre objet : l’esprit. Qui, de toute évidence, n’enthousiasme pas nos compatriotes ; plus attirés, par exemple, par la musique, les amusements ou enjaillements, les plaisirs de la chair, l’alcool… Non, nous ne nous faisons pas d’illusion ! Cependant, pour notre part, à nous, les animateurs ‘’des Banquets de l’Esprit’’, nous accomplissons le devoir que nous dictent nos âmes assoiffées de Dieu, de connaissance, de vérité, de liberté, de paix, d’amour et de fraternité humaine. En escomptant qu’à force de constance et de ténacité, nous gagnerons un grand nombre d’âmes aux vérités essentielles que nous promouvons.

Ne pensez-vous pas que vous aurez à rencontrer des iconoclastes sur le chemin ‘’des Banquets de l’Esprit’’?

Des iconoclastes sur le chemin ‘’des Banquets de l’Esprit’’ ? Bien sûr, il y en aura ; si par ce mot, vous entendez des individus qui se dresseraient à nous porter la contradiction. Oui, il y en aura. Déjà, parce que c’est un acte que nous posons, un pas de progression ou d’élévation que nous esquissons. Et l’on sait que, dans tout milieu humain, il suffit que vous posiez un acte, que vous fassiez un pas, que vous ouvriez la bouche, pour subir des critiques, être l’objet de contradictions, d’oppositions et de dénigrements. Le plus aberrant, souvent et surtout de la part de ceux qui n’ont jamais rien fait, rien osé, rien proposé publiquement. Ça, nous le savons ; ce sont les méandres infects de la nature humaine. Et nous attendons ces gens-là, que vous nommez les iconoclastes. Nous sommes prêts à échanger avec eux, intellectuellement et humainement, civilement ; argument contre argument, vérité contre vérité, valeur contre valeur. Dans la courtoisie, le respect mutuel, l’urbanité, la politesse, la considération, la civilité. Hors des injures, de la violence et du mépris.
Sur la question, nous sommes vraiment sereins ; parce que nous en sommes convaincus : il n’existe pas de vérités heureuses, épanouissantes pour le genre humain, en dehors de celles que nous professons. On le sait, l’iconoclaste est celui qui brise des images, qui cherche à détruire tout ce qui est attaché au passé, à la tradition. Avec ‘’les Banquets de l’Esprit’’, nous n’exaltons point d’images, point de passé, point de tradition. Ce que nous voulons promouvoir n’appartient à aucune figure humaine, aucun passé spécifique, aucune tradition doctrinale. Notre visée, c’est que l’humain croisse dans la foi et la fidélité à Dieu (l’Esprit suprême, créateur des vies et des mondes) ; que l’être assigne à l’existence, à son existence, un sens élevé et noble ; qu’il configure sa vie dans les tons de la positivité, du bien, du beau, du vrai, de la lumière, de l’amour pour son prochain ainsi que pour la Création. Notre visée, c’est encore la tolérance, la solidarité, le partage, l’altérité, l’empathie, la synergie des cœurs et des consciences, la solidarité, la fraternité, la concorde… entre les humains, sans aucune considération de couleur de peau, de race, de religion, de genre, de nationalité… Moi, je suis curieux de voir l’iconoclaste qui viendrait me démontrer, qu’au lieu de s’affermir dans ces saintes valeurs-là, l’humanité gagnerait au contraire à se forger dans la violence, la discorde perpétuelle, la guerre, l’animalité et ses instincts sauvages, l’état de jungle, la sorcellerie et autres monstruosités de l’âme pervertie ! De toutes les façons, nos rendez-vous sont ouverts à tous ; aux croyants aussi bien qu’aux athées ou aux agnostiques.

D’où tirez-vous les moyens pour organiser les différentes éditions ‘’des Banquets de l’Esprit’’ ?

Vous parlez de moyens financiers ! Oui, c’est vrai, il en faut pour mettre en route ‘’ces Banquets de l’Esprit’’ ; ne serait-ce que pour honorer les frais de location des salles qui accueillent l’événement, ou pour offrir un cocktail ou un rafraîchissement à nos invités, en clôture d’activité. Vous savez, il est dit : Aide-toi et le Ciel t’aidera ! Dans cette exigence, nous nous inscrivons d’abord dans le « Aide-toi » ; c’est-à-dire que nous finançons l’activité sur fonds propres, en escomptant que le Ciel nous aidera, par la suite. C’est un aspect important, il est vrai ; mais l’aspect capital, à mes yeux, ce sont les moyens humains, les personnes-ressources, les consciences éclairées et disponibles qu’il faut fédérer au mouvement. Et, Dieu merci, nous ne sommes pas démunis, de ce côté-là !

Avec ‘’les Banquets de l’Esprit’’, n’avez-vous pas un agenda caché ?

Un agenda caché, moi ? Laissez-moi rire ! Non pas que votre question soit ridicule ou risible, mais parce qu’elle est inattendue. Mais, elle est intéressante, votre question, et s’inscrit, me semble-t-il, dans l’ambiance d’un contexte national où, à tout va, l’on s’autorise à suspecter dans toute initiative, un pan occulte, un objectif inavoué, une visée souterraine. Cet élan-là, vous le savez bien, sied bien aux politiciens et aux personnes qui ambitionnent de se hisser au-dessus des autres. Rassurez-vous, je n’en suis pas ; je n’appartiens pas à cette engeance ! Moi, je suis un simple homme de lettres et de culture, un ouvrier de l’Esprit-Créateur Universel, un philosophe, un humaniste, un pacifiste, un panafricaniste, un amoureux de la nature. En tant que personnage reconnu de la sphère littéraire, médiatique et culturelle ivoirienne, mes écrits (qu’ils soient littéraires ou journalistiques) témoignent en ma faveur. Quand j’ai créé Zaouli en 2012 et porté sur mes frêles épaules de Retraité de la Fonction Publique, ce magazine culturel, une dizaine d’années durant, c’était dans le lieu d’un combat, un combat intellectuel et citoyen : celui de donner de la visibilité, de la notoriété aux arts et lettres, dans un paysage médiatique phagocyté, accaparé tout entièrement par le fait politique. On sait, par ici dans notre espace national, combien de journaux ont été promus, qui avaient des agendas cachés ! Non, je ne suis pas l’homme des agendas cachés ! Ma vie, je la soumets au verdict de l’Esprit Suprême, de la Lumière et de la Vérité. C’est de cette Source primordiale que je tire mon inspiration, ma force et mon énergie ; c’est Elle que je veux servir, en servant l’homme et en aimant la Création.

Réalisée par M. Ouattara

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