KKB : ” on veut nous faire jouer un rôle qui n’est pas le nôtre : des patates chaudes qui vont nous brûler “

1967

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Suite à son refus de continuer à prendre part aux débats en commission, après le rejet de son préalable, le député Kkb a rencontré dimanche 9 Octobre 2016 la presse et fait cette déclaration liminaire.

” Chers amis de la presse nationale et internationale ,

Je tiens avant tout propos à vous remercier pour cette spontanéité avec laquelle vous avez répondu à mon appel. Nous sommes aujourd’hui dimanche. Vous consentez, par votre présence, en marge à cette journée christique, à faire avec abnégation votre travail d’informer l’opinion. Un tel sacrifice mérite d’être salué et félicité.

Vous avez, suite à la réunion de la Commission des Affaires Générales et Institutionnelles du vendredi 7 octobre dernier, porté à l’attention de l’opinion, mon acte de refus de poursuivre de prendre part aux travaux de ma commission en raison d’un préalable que j’ai posé.

Ce préalable est justement le ressentir profond de nos compatriotes au moment où s’ouvrent les travaux d’examens de l’avant-projet de nouvelle constitution qui suscite débats dans tous les foyers et inquiétudes chez nos compatriotes.

Ivoiriennes, ivoiriens,
Mes chers compatriotes,
Chers amis de la presse nationale et internationale,

Je constate ici qu’on veut nous faire jouer un rôle qui n’est pas le nôtre au regard de notre loi fondamentale. Cette situation, à mon humble avis, ressemble fort à des patates chaudes entre nos mains. Et je vous assure, ça va nous brûler. Pour ce faire, je voudrais attirer votre attention sur la gravité de l’acte que nous nous apprêtons à poser au regard de son caractère anticonstitutionnel.

En effet, si j’ai bonne mémoire, le projet de loi portant organisation du référendum que nous avons adopté n’a pas fait mention dans son intitulé d’avant projet de nouvelle constitution, mais plutôt de projet de constitution. Nous sommes donc là en présence d’une incongruité, d’une infamie , d’une tromperie, d’une infantilisation.
Ivoiriennes , ivoiriens,
Mes chers compatriotes,

Chers amis de la presse nationale et internationale,

je viens aux faits :
1) De l’absence du peuple
Le principe de la République, c’est que le pouvoir appartient au peuple. Et cela est constant depuis 1958. Depuis 1958, la Côte d’Ivoire a été proclamée République et ce principe a été retenu par la 1ère Constitution, celle du 26 mars 1959. Ce principe a été reconduit par la Constitution de la 1ère République de l’État ivoirien celle 3 novembre 1960, et reconduit par la Constitution du 1er aout 2000. Il y a là une permanence du fait que le pouvoir appartient au peuple.

Donc dans un régime de cette nature, régime républicain et démocratique, le peuple doit être au début et à la fin de la procédure d’élaboration de la nouvelle Constitution. Or, voilà que le président ayant pris l’initiative d’une nouvelle constitution au détriment de la révision, tout s’est déroulé par la seule volonté du président. Le peuple n’a pas été consulté. Le président n’a aussi pas désigné une structure qui a l’onction du peuple pour rédiger un texte. C’est un comité d’experts qui n’a pas l’onction du peuple, qui ne bénéficie pas de la légitimité populaire qu’il a plu au président de faire substituer au peuple. Voilà un premier problème.

2) De l’intervention de l’Assemblée Nationale
L’Assemblée, telle qu’elle est , a été élue pour voter des lois, contrôler le gouvernement, adopter le budget. Voilà la mission confiée par la constitution actuelle aux députés. Cette assemblée n’a pas qualité et n’a pas compétence de doter la ci d’une nouvelle constitution et même pour prendre part à l’élaboration d’une nouvelle Constitution. Il eut fallu désigner spécialement une assemblée constituante. Ce n’est pas le cas. Mais on aurait pu corriger cette situation en mettant en place une structure regroupant les forces vives de la Nation, c’est-à-dire constituée des représentants de tous les segments de la société, de toutes les instances du corps social considérées comme représentatives du peuple. Ca n’a pas été le cas non plus.

À quel titre l’assemblée intervient ? Est ce que l’assemblée a reçu mandat du peuple pour prendre part à l’élaboration d’une nouvelle constitution ? Ce n’est pas le cas. Il y a là un vice. Franchi cet obstacle, cette Constitution qui nous est proposée qu’est-ce qu’elle vaut ?

3) De la nécessité d’une nouvelle constitution
Qu’est-ce qui est mauvais dans la constitution du 1er Août 2000. On y a décelé et on y a repéré un article, l’article 35, à propos duquel la table ronde de Marcoussis a recommandé la révision. C’est seulement ce qui a été retenu. C’est seulement le seul point d’accord. Comment se fait-il qu’on ne révise pas l’article 35 et on s’attaque à la Constitution entière ? Et sur certains points, la constitution actuelle consacre un recul par rapport à celle de 2000.

4) Sur le principe de l’élaboration d’une nouvelle constitution

Invoquant le conflit post-électoral qui a occasionné la mort de plus de 3 000 personnes, provoqué l’effondrement de l’Etat et de l’économie nationale et fortement mis à mal la cohésion sociale déjà fragilisée par les crises successives qu’a connue la Côte d’Ivoire, le Président de la République a estimé que l’adoption d’une nouvelle constitution démocratique, consensuelle et fédératrice s’est avérée impérieuse pour mettre fin aux crises de légitimité et d’instabilité et doter la Côte d’Ivoire d’institutions stables et crédibles.

Cette réforme, dit-il, consacrera l’avènement de la troisième République.
La question préalable, en l’espèce, avant tout débat au fond, est celle de savoir si la constitution ivoirienne a prévu les conditions et la procédure d’adoption d’une nouvelle constitution, aboutissant à une autre République.

La question est posée à l’aune de la constitution, qui est notre loi fondamentale, pour éviter les débats se situant hors de la sphère juridique.

À l’examen des dispositions de la constitution ivoirienne, il n’apparaît nulle part le droit ou le pouvoir pour un organe ou une institution quelconque, ainsi que les conditions et la procédure pour élaborer et proposer une nouvelle constitution en remplacement de celle qui n’existe.

Ce dont il est expressément question, c’est la révision de la constitution qui est en droit sa modification nécessitée par les circonstances.

La constitution est le socle sur lequel repose toute la République et nul ne peut y toucher que sous la condition du strict respect des garanties légales et démocratiques.

C’est la raison pour laquelle même sa « simple » révision est enfermée dans un formalisme rigoureux.

Ainsi aux termes des dispositions de l’article 125 de la constitution, « pour être pris en considération, le projet ou la proposition de révision doit être votée par l’Assemblée Nationale à la majorité des 2/3 de ses membres effectivement en fonction.
Quant à l’article 126 alinéa 1er de la constitution, il dispose que : « la révision de la Constitution n’est définitive qu’après avoir été approuvée par référendum à la majorité absolue des suffrages exprimés ».

Est-il possible d’appliquer, comme on le fait actuellement, à l’élaboration d’une nouvelle constitution les règles relatives à sa révision ?

La réponse ne peut qu’être négative.

En raison du caractère qu’elle revêt pour la République, les dispositions de la constitution sont d’ordre public et d’interprétation stricte. On ne peut donc étendre ses dispositions à des matières qu’elle ne régit pas.
La procédure actuellement en cours est anticonstitutionnelle car n’étant pas prévue par la constitution et n’émanant du peuple souverain qui aurait dû être au début et à la fin du processus.
Les députés ne peuvent donc s’arroger des attributions qui ne sont pas les leurs. Ils devraient s’abstenir de participer à l’examen et au votre d’un texte pour lequel ils n’ont aucun pouvoir d’examen et de vote. C’est une question de principe. En acceptant de le faire en l’état, ils donnent leur caution à une violation de la constitution. Dans ce cas, on crée un précédent susceptible d’être invoqué par n’importe quel prochain Président pour, à son tour, changer de République par adoption d’une nouvelle constitution.
On constatera que la nouvelle constitution, elle-même, n’a pas prévu la possibilité de son abrogation ou de sa suspension, suivie de l’adoption d’une autre car les rédacteurs savent que ce serait la porte ouverte à toutes les instabilités.
Pour donner de la légitimité et de la légalité à cette réforme, il faut retourner au peuple souverain dans toutes ses composantes avant le référendum. C’est ce que les députés devraient faire admettre
À moins qu’il ne s’agisse d’un coup de force comme il nous a été donné de l’expérimenter sous le Général Guéi avec l’ordonnance n°01/99 PR du 27 décembre 1999 portant suspension de la constitution.
Mais même là, après la suspension de la constitution, il a été mis en place par le décret n°2000-12 du 21 janvier 2000, une commission Consultative constitutionnelle et électorale comprenant toutes les composantes de la société ivoirienne pour élaborer la nouvelle constitution laquelle a été soumise, par la suite, au référendum.

Ivoiriennes, ivoiriens,
Mes chers compatriotes,
Chers amis de la presse nationale et internationale,

Voilà l’essentiel de ma pensée argumentative que j’ai fait valoir qui est restée malheureusement sans suite. Tel un impératif sacro-saint à mon humble avis, je ne pouvais cautionner ce coup de force. Pour l’heure très chers compatriotes, je vous exhorte à peser le poids de cet acte de forfaiture. Ne nous rendons pas complice de cette haute trahison.
Je vous remercie.

Honorable KOUADIO KONAN Bertin (KKB),
Député à l’Assemblée nationale,
Membre de la Commission des Affaires Générales et Institutionnelles (CAGI),
Candidat à l’élection du Président de la République de 2015,
Vice-président du Groupe parlementaire PDCI-RDA,
Membre du Bureau Politique du PDCI-RDA,
Ancien Président de la jeunesse du PDCI-RDA,
Conseiller Municipal de Port-Bouet.

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