LA CHRONIQUE du Lundi- Décryptage de la présence d’Emmanuel Macron aux obsèques du président tchadien Idriss Deby

14697
photo tdg

Dernère publication

Les obsèques du président tchadien Idriss Déby ont eu lieu en présence du Président français, Emmanuel Macron. Dès son arrivée à N’Djamena, Emmanuel Macron a rencontré le fils du défunt, Mahamat Idriss Déby, qui, en devenant le Chef de la junte militaire, a pris la succession de son père. Emmanuel Macron, le seul Chef d’Etat occidental à avoir fait le déplacement, a rappelé que « la France ne laissera jamais remettre en cause la stabilité et l’intégrité du Tchad ».

Ce soutien montre l’importance du Tchad dans le dispositif du G5 Sahel. Avant la cérémonie, Emmanuel Macron et les quatre autres Chefs d’Etat du G5 Sahel ont tenu à témoigner à Mahamat Idriss Déby, le jeune général de 37 ans, leur « unité de vue » et leur « soutien commun au processus de transition civilo-militaire pour la stabilité de la région. ». La douzaine de Chefs d’Etats africains présents dans la capitale tchadienne, N’Djamena, sont sur la même longueur d’onde qu’Emmanuel Macron. Parfaitement conscients de l’importance du Tchad dans le dispositif de lutte contre le terrorisme, les chefs d’Etat africains s’en remettent à la promesse de Macron pour qui « la France ne laissera jamais personne, ni aujourd’hui, ni demain, remettre en cause la stabilité et l’intégrité du Tchad ».Ce soutien apporté par Macron au Conseil Militaire de transition (CMT) dirigé par Mahamat Idriss Déby montre que Paris, qui n’entend pas changer de ligne politique au Tchad, reste un allié fidèle des Etats africains qui vivent sous la menace terroriste (1).

S’assurer de la stabilité et de l’intégrité du Tchad, afin de poursuivre la lutte contre le terrorisme

Avec la mort d’Idriss Déby Itno, de nombreuses questions se posent sur l’avenir du Tchad, mais aussi sur la stabilité de la région. Lors d’une visite en Mauritanie, avant de se rendre aux funérailles d’Idriss Déby, le chef de la diplomatie de l’Union européenne, Joseph Borrell, a déclaré : « Il faut aider le Tchad. Il faut passer outre les considérations politiques ». Que signifie : « il faut passer outre les considérations politiques » ? L’urgence ne porte pas sur les considérations de politique intérieure liées à la disparition du président tchadien, la mort d’Idriss Déby entraînant de nombreuses questions quant à l’avenir du Tchad, mais sur le fait de savoir si le CMT, à travers Mahamat Idriss Déby, va respecter ses engagements militaires dans la région. Avec ses 60 000 hommes bien entraînés, le Tchad possède une des armées les plus efficaces dans la lutte contre le terrorisme djihadiste. Alors que les Etats membres du G5 Sahel ont besoin de renforts extérieurs, l’armée tchadienne fournit un bataillon de 1200 soldats qui mène la lutte dans la zone des « trois frontières », entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Le Tchad a aussi déployé 400 hommes au sein de la Minusma, la force de l’ONU dans la région.
Le scénario politique que voudraient imposer les rebelles du FACT et l’opposition, qui ont appelé à ne pas reconnaître la junte militaire, doit laisser la place, selon la France, l’Union européenne et les membres du G5 Sahel, au scénario politico-militaire qui, en assurant « la stabilité et de l’intégrité territoriale du Tchad », permet plus sûrement de miser sur la fiabilité de l’État tchadien comme partenaire dans la lutte contre le terrorisme islamiste. On ne peut dissocier l’avenir de la lutte contre le terrorisme dans la région de l’avenir du Tchad. Selon le député français Thomas Gassilloud, membre de la Mission d’information sur Barkhane et Vice-président du groupe d’amitié France-Tchad, la mort d’Idriss Déby présente un « risque sécuritaire ». Thomas Gassilloud considère que « sans le Tchad, l’opération Barkhane risque de devenir plus difficile à mener. », d’autant plus que le Tchad assure aujourd’hui la présidence du G5 Sahel. Ce n’est pas un hasard si le commandement de la force interarmées Barkhane est situé à N’Djamena,

Les premières déclarations de Mahamat Idriss Déby et l’avenir du Tchad

Les premières déclarations de Mahamat Idriss Déby visent à rassurer les populations tchadiennes et les alliés du Tchad. Le nouveau président intérimaire du Tchad précise ainsi les objectifs du CMT : « À cet égard, un Conseil Militaire de Transition (CMT) est mis en place pour assurer la défense de notre cher pays dans cette situation de guerre contre le terrorisme et les forces du mal afin d’assurer la continuité de l’Etat. Aussi, les mesures suivantes sont-elles prises à partir de ce jour : Le Conseil Militaire de Transition garantit l’indépendance nationale, l’intégrité territoriale, l’unité nationale, le respect des traités et accords internationaux et assure la transition pour une durée de 18 mois » Il ajoute : « De nouvelles institutions Républicaines seront mises en place à l’issue de la transition par l’organisation des élections libres, démocratiques et transparentes suivant l’esprit du sacrifice pour lequel le Maréchal du Tchad s’est battu durant toute sa vie jusqu’à son dernier souffle ; Un appel au dialogue et à la paix est lancé à tous les tchadiens de l’intérieur comme de l’extérieur pour continuer à construire ensemble le Tchad. » Cet appel au dialogue peut-il être entendu par les rebelles du Fact et l’opposition tchadienne ?
L’armée tchadienne reste le fer de lance de la lutte contre le terrorisme sur plusieurs théâtres d’opération (zone des « trois frontières », Mali, Nigéria, Centrafrique, Cameroun…) et un maillon fort du G5 Sahel. Macron soutiendra Mahamat Idriss Déby, comme il a soutenu le père. Mais, Paris sait que le Fact mène une rébellion interne, sans liens réels avec les organisations terroristes. Est-ce pour cela que, même si, avec la mort d’Idriss Déby Itno, la France perd un allié fidèle dans la lutte contre les djihadistes, le Chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a appelé à une transition militaire d’une « durée limitée » qui conduise à un « gouvernement civil et inclusif » ? Mais, l’instabilité chronique de la région du Sahel oblige à privilégier le scénario politico-militaire sur un scénario purement politique.

Christian GAMBOTTI,
Agrégé de l’Université,
Président du think tank
Afrique & Partage – CEO du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) –
Directeur des Collections L’Afrique en Marche, Planète francophone –
Directeur de la rédaction du magazine Parlements & Pouvoirs africains.

(1) Lire, dans L’Intelligent d’Abidjan du lundi 19 avril 2021, ma Chronique du Lundi sur les enjeux sécuritaires en Afrique ?

Commentaire

PARTAGER