Les Samedis de Biton : LES PIEDS SUR TERRE

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Dernère publication

Comme mes lecteurs le savent, je suis un téléspectateur fidèle du magazine : « Complément d’enquête. » de la chaine française France 2. Toutefois, je ne me considère pas faire partie des cadres et intellectuels africains qui méprisent les médias, les radios et les télévisions africaines pour s’abonner aux émissions préparées et diffusées de Paris ou de Londres. Je refuse l’assimilation. Pour faire « civilisé » de nombreux africains refusent de suivre les actualités ou les débats produits depuis les capitales africaines qui sont toujours nuls à leurs yeux. En regardant « Complément d’enquête », tous les jeudis soirs, je ne fais que diversifier mes connaissances. J’ai forcement mes pieds bien plantés dans le sol africain et ma tête sans chapeau pour laisser la pluie la mouiller. Une pluie qui me draine toutes les eaux venant du monde entier. Comme le disait l’éternel Léopold Sédar Senghor, la culture est enracinement et déracinement. Le thème de l’émission de ce soir-là portait sur le commandement des petits chefs. On voulait expliquer pourquoi des responsables, dans tous les domaines, perdaient la tête étant nommés, élus ou promis. Pourquoi avec une petite parcelle de pouvoir, l’individu ne pouvait plus marcher sur le sol. On pense souvent que c’est au niveau du politique que les responsables portent des ailes. On constate que dans toutes responsabilités humaines qu’il est difficile de ne pas marcher en s’envolant. Même au niveau religieux ! En fait, toute promotion donne, automatiquement, des ailes. Et ce sont les félicitations des uns et des autres, leurs applaudissements qui vous font décoller du sol. Presqu’impossible de garder les pieds sur terre. Une amie qui a été élue déléguée dans une faculté à l’Université. Elle me disait la volonté de tous les étudiants de lui vouer un respect sacrosaint, elle était souvent invitée à déjeuner ou à diner, sans oublier les petits cadeaux. Elle semblait entendre les applaudissements la suivre quand elle se déplaçait. Evidemment, à l’heure du changement, elle ne voulait plus partir. Et je parle d’une étudiante en deuxième année seulement. Un ami a fait la différence en restant les pieds sur terre. Dès qu’il a obtenu un poste important et même très important, il est venu me voir à la maison. Son nouveau programme ne lui permettant pas de me voir tous les jours, il a imposé entre nous deux, une rencontre obligatoire hebdomadaire pour qu’il ne perdre pas les pieds sur terre. Plus de quatre ans à un très haut poste, on se voyait tous les jeudis soirs. On discutait de tout. Comme avant le poste. Moi-même, l’ami, était sollicité et « dragué », de sorte qu’il pouvait m’arriver de tituber en marchant. Pour ne rien gâter, mon ami, sans que je lui demande, me donnait, à chaque fin de rencontre, une enveloppe et des bons d’essence. En Afrique, on en veut à ses amis, devenus importants dans la société de perdre les pieds sur terre, c’est pour deux raisons. De ne plus les rencontrer et surtout de ne pas les aider financièrement. Mon ami a compris ces deux secrets qui permettent de rester pieds sur terre et de ne pas voler avec des ailes. Dans un milieu africain et non européen, on rattrape vite sa dimension humaine à cause de l’atmosphère spirituelle. Toute la société africaine est baignée de religions. Chacun sait qu’il ne doit pas offenser Dieu car ne sachant pas son destin. A tous les postes qu’il se trouve, l’Africain dans sa grande majorité, garde les pieds sur terre. Grand ou important, il est conscient d’avoir son cordon ombilical enterré sous la terre qui va reprendre, tôt ou tard, tout son corps entier. Il ne peut que rester sur terre. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.

Par Isaïe Biton Koulibaly

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