Tiburce Koffi :«Est-on obligé de descendre dans la gadoue avec des voyous de la presse, fussent-ils internationaux ?»(Hamed Bakayoko, Vice Média)

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Dernère publication

Sous le titre original « HAMED BAKAYOKO ET LE LYNCHAGE MÉDIATIQUE : VICTIME OU COUPABLE ? », nous avons reçu la chronique ci-dessous de Tiburce Koffi, que nous publions avec un titre de la rédaction ci dessus.

Une sale affaire secoue le climat social et médiatique de mon pays. Elle est d’autant plus gênante qu’elle concerne une haute figure du gouvernement : Hamed Bakayoko. Des journalistes enquêteurs, résidant à Londres, l’impliquent dans un trafic de drogue et d’entretien d’une redoutable pègre appelée « microbes », des bandes de jeunes drogués qui tuent à l’arme blanche, de jour comme de nuit, semant la panique au sein des populations qu’elles ont ciblées.

Apparemment les pouvoirs publics s’avèrent incapables de juguler ce mal de forte amplitude sociale. Tout de même étrange. Et gênant. Bref, le Ministre d’État Hamed Bakayoko est mis au centre d’une affaire peu honorable. Et, évidemment, les journaux de l’opposition s’en donnent à cœur joie d’amplifier ce scandale sans se soucier d’éprouver la véracité des accusations.

J’ai eu plaisir à lire, sur les réseaux, la réaction d’Assalé Tiémoko, jeune maire de Tiassalé. Son papier, qui se veut un appel au patriotisme, interpelle la presse du pays à l’observance de plus de réserve et de circonspection face à ces graves accusations qui salissent le gouvernement et le pays.

La volée de bois vert qu’il a reçue de nombreux internautes m’a amené à me poser des questions, non pas sur l’effectivité des faits évoqués, mais sur la récurrence de ces fameuses enquêtes journalistiques dans le vécu sociopolitique des Ivoiriens ; enquêtes dont l’objectif a toujours été d’éclabousser de leurs salissures, de hautes figures de l’État. Le fait n’est, en effet, pas nouveau en Éburnie.

C’est, au décompte et à la réflexion, une tradition infecte qui n’a que trop pourri l’air social et politique de notre pays. J’ai dit tradition. Et ici, les presses du Rdr et du Fpi se sont montrées les plus cruelles en la matière, contre le pouvoir régnant des années 1990 : celui d’Henri Konan Bédié du Pdci-Rda.

Ce fut, pour ceux qui ont de la mémoire, le printemps de la presse insolente, mensongère, saboteuse, médisante, mais qui, malheureusement, eut du succès dans le pays. L’on se souvient, entre autres vrais faux dossiers, de cette sale affaire de pédophilie collée au ministre Ezan Akélé avec forces arguments, le tout servi dans une paperasse des plus explosives appelées « enquêtes. »

Le ministre Akélé avait eu beau se défendre, rien n’y fit, l’opinion était acquise à la cause de cette presse du scandale et de la sale médisance.

Seul, je m’en souviens, Venance Konan osa écrire un article pour remettre en cause ces graves accusations et réhabiliter l’accusé. On le traita de vendu dans les journaux de l’opposition (RDR, FPI.) Mais Venance Konan avait vu juste : des années plus tard, l’auteur de ces fameuses enquêtes, pris de remords et atteint de maladie grave (qui finira par l’emporter)
écrira un papier pour avouer la mascarade et présenter ses excuses au ministre Akélé. Mais le mal était déjà fait. Dans l’opinion ivoirienne de ces temps farouches, le nom de M. Ezan Akélé restera associé à l’homosexualité de bas-étage : la pédophilie. Le journal coupable de ces scélératesses était financé par des figures influentes de l’opposition d’alors, notamment les dirigeants actuels.

Ce n’est pas fini. Ce même journal, en complicité avec la presse des « journaux bleus » (journaux du Fpi), accusera le ministre Maurice Guikahuié de détournements de fonds d’une valeur de 18 milliards de Fcfa ! Dix-huit milliards de Fcfa ! De quoi altérer les misères des populations démunies. Le Professeur et ministre Guikahuié, en homme d’honneur, rendra démission du gouvernement afin de mieux organiser sa défense et éviter de compromettre la crédibilité de son parti le Pdci-Rda. Sous le régime des Refondateurs, le procès du ministre Guikahuié eut lieu. L’on sait le verdict : non, il n’y a pas eu de détournements de fonds, moins encore de détournements à hauteur de 18 milliards de Fcfa. Le Pr Guikahuié a été acquitté ; mais combien de citoyens ont retenu ce fait ? Comme une maladie très contagieuse, les pestilences de cette sale histoire montée de toutes pièces par une opposition enragée reviennent incommoder le parcours pourtant honorable de ce respectable médecin et homme d’une rare droiture.

[UNE TRADITION DE LA MÉDISANCE]

Nous sommes encore loin du compte et du mauvais conte : il y a de cela une quinzaine d’années, des presses étrangères (de Londres et des Usa, comme par hasard) avaient, à coups d’enquêtes minutieuses, montré comment le régime ivoirien d’alors organisait l’esclavage des enfants qu’il faisait travailler dans les plantations de café et de cacao. L’affaire fut portée jusqu’à l’ONU. En représailles, ces deux produits agricoles, mamelles de l’économie ivoirienne, furent menacés de boycott sur les marchés internationaux. Le Président Gbagbo avait eu beau se défendre et tenté de réhabiliter l’image de la Côte d’Ivoire ; la presse farouche de l’opposition soutint ces graves accusations contre le régime ivoirien. L’objectif visé était d’affaiblir, l’asphyxier même, l’économie ivoirienne, et fragiliser ainsi le président régnant. Aujourd’hui au pouvoir, les opposants d’hier se retrouvent face aux mêmes accusations d’esclavage des enfants dans les plantations de café et de cacao ; et ils parcourent le monde pour expliquer le non-fondé de ces accusations ! Manifestement, ils ont oublié que ce sont eux qui avaient soutenu ces accusations sous le régime de M. Gbagbo !

Voilà donc où nous conduisent les sales combats que nous menons contre nos dirigeants, en perdant de vue l’intérêt de notre pays, la qualité de son image, sa crédibilité et respectabilité dans l’ordre des relations internationales. À titre purement personnel, un GOR, outré de mes attaques contre leur leader Gbagbo, n’a trouvé rien de mieux que de me traiter de consommateur de drogue avec « preuves à l’appui » : il aurait pour témoins, mes… frères et sœurs… qu’il ne connait pas, n’a même jamais vus, et qui ne le connaissent ni de visu ni même de nom ! Incroyable. Peu importe ici le nom de cet énergumène singulier. Je le surprendrai un jour sur un site en train d’expliquer à leurs militants comment il a réussi (selon lui) à me démolir en me salissant d’une histoire inventée ! Pour se venger de mes méchants papiers contre leur leader Gbagbo !

Aujourd’hui, c’est au tour du Ministre d’État, ministre de la Défense, assurant l’intérim du Premier ministre Hamed Bakayoko d’être éclaboussé par une affaire de trafic de drogue qui pue le montage et l’intention réelle de nuire. Tout le mécanisme de la disqualification éthique et sociale de l’homme se trouve dans les extraits de ces fameuses enquêtes. Hier, comme aujourd’hui, c’est à des papiers apparemment inattaquables (c’est tellement bien ficelé) que nous avons affaire. Trop parfait, trop bien monté pour être vrai.

Non, il ne m’appartient pas de prendre la défense de Bakayoko — encore que des liens que j’ai avec lui me fondent à le faire, par devoir moral. Je ne suis ni Sherlok Holmes, ni Lieutenant Colombo ; mais des éléments d’appréciation et de lecture de l’actualité politique justifient que je n’accorde pas foi à cette enquête : aujourd’hui Premier ministre, Hamed Bakayoko a, logiquement, le regard tourné vers l’Exécutif. Ambition légitime. Il devient alors la figure politique à abattre. Et comme elle tombe bien, cette enquête, pour disqualifier Hamed dans d’éventuelles prétentions à une telle consécration ! D’aucuns lui demandent de monter au créneau et de se défendre. À quoi cela servirait-il — les cas Akélé, Guikahué et bien d’autres ne sont-ils pas suffisamment significatifs de l’inanité d’une telle démarche ? Et puis, est-on obligé de descendre dans la gadoue avec des voyous de la presse, fussent-ils internationaux ?

Soyons sérieux : Hamed Bakayoko n’est pas un extraterrestre qui vient d’arriver en Côte d’Ivoire et dont nous ne savions rien. Il serait un trafiquant de stupéfiants que les régimes précédents l’auraient épinglé depuis longtemps sur la question. Aujourd’hui homme relativement prospère, quel intérêt Ahmed aurait-il à s’engager dans un univers aussi malsain que celui de la drogue, qui ne connait pas de secrets ? Aucun. Hamed Bakayoko ne fait pas partie des assoiffés de fortunes financières. On connaît d’ailleurs sa générosité à aider les démunis. C’est connu : les obsédés de richesses matérielles n’ont jamais été des gens généreux. Ahmed Bakayoko m’a toujours paru (et je me tromperais à peine sur la question) comme un artiste raté, un garçon d’une sociabilité indiscutable. Summum de ses qualités : c’est un self made man ; un garçon qui a cru en ses capacités d’être parmi les mieux en vue dans son pays.

Dans des sociétés normales, il devrait pouvoir faire partie de ceux de l’élite qui symbolisent le mieux la réussite à force de persévérance, de lectures lucides de la vie et de choix opportuns. Il me paraît, tout compte fait, un personnage positif et productif : il n’y a qu’à voir comment il a tenu le ministère de la Sécurité pour s’en convaincre.

Hamed Bakayoko trafiquant de drogue ? À l’instar d’Assalé Tiémoko, je ne crois pas à ces accusations, ce sale dossier qui est publié à quelques quatre mois de la présidentielle ! À d’autres donc, pas à moi. Et je ne le dis pas par proclamation de patriotisme ni de soutien à une relation puissante ; c’est tout simplement une conviction intime que justifie le passé de dénigrements et médisances de bas-étage que nous a donné à voir cette fameuse presse (nationale et internationale) d’enquêtes.

Par Tiburce Koffi/ gnametkoffi@gmail.com]

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