Adama Diomandé, militant Rdr et activiste pro-Ouattara en France : “Je souhaite la libération de Gbagbo”

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Depuis une dizaine d’années, il écume les plateaux télé et radio de France pour défendre son champion Alassane Ouattara. Aujourd’hui, Adama Diomandé semble quelque peu désabusé par les cadres de son parti le RDR, et s’inquiète lourdement du climat sociopolitique ivoirien. Il s’est livré au micro de votre quotidien, entretien.

M. Diomandé, la nouvelle constitution ivoirienne vient d’être adoptée par plus de 93% des suffrages exprimés lors du scrutin du 30 octobre dernier. Quel est votre sentiment aujourd’hui après avoir bataillé ici à Paris pour que ce soit le cas ?

Adama Diomandé : Naturellement, je suis tout simplement heureux que les Ivoiriens aient fait le choix de passer à une nouvelle loi fondamentale. La Côte d’Ivoire avait besoin d’un nouveau pacte social pour sortir du précédent qui a fait plus de mal que de bien.

En quoi est-ce que la constitution précédente a-t-elle fait plus de mal que de bien ?

A.D. : Vous savez comme moi que la constitution de 2000 portait en elle des dispositions qui ont entraîné notre pays dans une décennie de crise politico-militaire. Il fallait que nous en sortions en fondant un texte constitutionnel nouveau qui rassemblerait les Ivoiriens au lieu de les diviser et les catégoriser.

De quelles dispositions parlez-vous exactement ? S’il s’agit de l’article 35, notons qu’il n’a pas empêché Alassane Ouattara d’être candidat en 2015.

A.D. : Oui, l’article 35 de la constitution précédente ne concernait pas le président Alassane Ouattara même si il le visait aux dires de Laurent Gbagbo lui-même. Mais pouvez-vous imaginer qu’avec cette constitution de 2000, Michel Gbagbo, le fils de Laurent Gbagbo ne pouvait être candidat parce que sa mère n’est pas ivoirienne d’origine. C’est une aberration. Il y avait d’autres disposition qui n’aidaient pas au maintien de la cohésion nationale.

Justement, l’opposition ivoirienne dans son ensemble, juge que c’est plutôt la nouvelle constitution qui pourrait fragiliser la cohésion nationale déjà mise à mal par la crise postélectorale de 2011. Cette nouvelle constitution ne semble donc pas trouver l’adhésion de tous les Ivoirien

​A.D. : Vous savez, l’opposition ivoirienne est dans une logique d’anti-‘’ouatarraïsme’’ primaire. Elle voit le mal dans tout ce que le président Alassane Ouattara fait et dit, même quand c’est bon pour elle…

Qu’est ce qui vous semble bien pour elle dans cette nouvelle constitution ?

A.D. : Mais avec le verrou de la limite d’âge qui vient de sauter, leur champion Laurent Gbagbo pourrait venir être candidat à la présidence quand il sortira de prison.

Vous Adama Diomandé, souhaitez la libération de Laurent Gbagbo ?

A.D. : Je vais vous surprendre. J’ai beaucoup de peine quand je réalise que cet homme est emprisonné hors de son pays et loin des siens. Je dois l’avouer, ce n’est pas une image reluisante pour notre pays. Nous aurions pu éviter cela.

Eviter quoi ? L’arrestation et le transfert de Laurent Gbagbo à la C.P.I. ?

​A.D. : Nous aurions pu éviter ce qui a conduit les autorités ivoiriennes à accepter de rendre Laurent Gbagbo à la justice internationale, c’est-à-dire la crise post électorale de 2011. Il ne s’agit pas pour moi de définir la responsabilité pénale de Laurent Gbagbo dans ce qui est arrivé aux Ivoiriens en 2011, mais de pointer du doigt, sa responsabilité politique au moins. Et je crois qu’il aurait pu remettre le pouvoir au vainqueur des élections de novembre 2010, et il en aurait été autrement aujourd’hui. La justice c’est la justice, mais au plus profond de moi, je souhaite que ce fils de la Côte d’Ivoire recouvre la dignité d’un homme libre. Notre pays a besoin de tous ses enfants pour sa marche vers le développement.

Vous me surprenez vraiment ! Vous le grand pourfendeur de Laurent Gbagbo et de ses partisans, vous regretter que ce dernier soit en prison ?

A.D. : Je n’ai pas dit que je regrettais que Laurent Gbagbo soit en prison. Je rappelle simplement que, quelques fois, il arrive de se dire que l’on aurait pu faire les choses différemment au vu de ce qui se passe au présent. Quant à mes diatribes à l’encontre du camp Gbagbo, il faut regarder les choses dans le cadre du jeu politique. Je suis dans mon rôle. Et c’est avec mon style, quelque peurugueux que je défends le camp présidentiel ivoirien, mais il n’y a aucune animosité en moi. Je reconnais que mes propos ont pu blesser parfois certaines personnes, je le regrette profondément. Il faut que les gens comprennent que le débat politique peut être parfois virulent sans franchir la ligne jaune. Je l’ai souvent franchie, et je le regrette. Aujourd’hui, j’observe que les Ivoiriens doivent réapprendre à se parler, cela est vital pour chacun de nous tous.

Vous êtes en train d’admettre que les Ivoiriens ne se parlent plus ?

A.D. : Il n’y a pas plus aveugle que celui qui refuse de voir. Cette crise postélectorale à laissé de grosses plaies béantes dans notre nation. Il nous faut les panser, et ce n’est certainement pas avec des propos et propositions sectaires que nous allons y parvenir. Ce besoin d’espérance d’avenir meilleurqu’éprouvent tous les Ivoiriens doit se matérialiser en faits et gestes. Je suis persuadé que le président Alassane Ouattara fera mieux que ce qu’il entreprend déjà pour la paix et la réconciliation nationale. D’ici à la fin de son second mandat, tous les Ivoiriensapprécieront la magnanimité de cet homme.

Ou vous en êtes aujourd’hui dans vos rapports avec la direction du RDR, quand on sait quelle vous a refusé l’adoubement de votre candidature à l’élection municipale dernière à Zikisso ?

​A.D. : En ce qui concerne mes échecs, mon éducation m’oblige à en assumer l’entièreté des responsabilités. Je tire toujours les bonnes leçons de mes échecs et j’avance. Permettez donc que je ne parle pas de mes rapports avec la direction du RDR. Mais il est de notoriété publique aujourd’hui que les cadres du parti ont profondément déçu les militants. Personne d’entre eux ne peut mobiliser la base sans utiliser le nom du président Alassane Ouattara. Leur niveau élevé de prédation a mis à mal l’adhésion et l’enthousiasme des militants. Pour être clair, les cadres du RDR m’ont déçu comme ils ont déçu l’essentiel des militants.

Vous êtes en train de nous dire que le président est bon, mais que c’est son entourage qui est mauvais ?
​A.D. : Je suis en train de vous dire que les cadres du RDR sont mauvais à l’endroit des militants. Et il n’y a pas que des cadres du RDR autour du président Alassane Ouattara, et sa base ne se limite plus uniquement aux militants du RDR. Cependant, il lui revient d’assainir les relations entre les cadres et les militants du RDR. Il jouit encore de la sympathie des militants et de bon nombre d’Ivoiriens, à lui donc de redistribuer les cartes.

Vous admettiez tantôt qu’il fallait que les Ivoiriens se reparlent. Est-ce que vous reconnaissez que les Ivoiriens sont divisés en deux blocs rigides qui ne veulent pas se rapprocher ?
​A.D. : J’ai vraiment mal à mon pays. Cette constatation est une évidence que j’ai du mal parfois à regarder en face. Elle me fait peur même je dirai. On a le sentiment que les pro-Gbagbo attendent le changement de régime pour en faire voir de toutes les couleurs aux tenants du pouvoir actuel. Cela me laisse imaginer un cercle vicieux de méfiance et de vengeance du quel personne ne trouve le bonheur. Il est encore possible d’éviter de rentrer dans cette spirale dangereuse. Je comprends les peines et les douleurs des pro-Gbagbo. Avoir les siens emprisonnés ou en exil n’accorde nullement un confort mental. Mais je les prie d’apaiser leurs cœurset de sortir des postures de défiance, le président Alassane Ouattara fera le geste qui sauve.

Entretien réalisé par Jean-Paul Oro à Paris

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