Bacongo Cissé : “Limitation de l’âge plafond ? Houphouët à son âge était plus lucide que des jeunes de 25 , 30 ans”

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Le conseiller spécial chargé des questions juridiques du Président de la République Cissé Bacongo par ailleurs membre du comité d’experts a donné les raisons du choix du sénat et de la non limitation de l’âge d’éligibilité.

Expliquez-nous les raisons qui vous ont motivé à opter pour le sénat ?

Chaque peuple ayant son histoire , il porte des habits qui lui conviennent. Le président de la République a parlé du Sénat sans doute pour faire comprendre que la création du Sénat ne met pas fin ni au travail ni à l’importance de l’Assemblée nationale. Il a parlé de primauté. Dans tous les pays où le Sénat existe, il en est ainsi. L’Assemblée nationale a compétence universelle en matière de vote de la loi. Elle est composée des représentants de la Nation , ceux à qui nous avons donné une partie de notre pouvoir pour nous représenter en votant les textes qui changent notre vie. Pour le Sénat le président a dit que c’est la représentation des collectivités territoriales. Donc le collège électoral des sénateurs n’est pas le même que celui des députés. Ce sont les élus locaux qui vont élire les sénateurs afin qu’ils statuent en priorité sur tout ce qui concerne les collectivités territoriales. Le Sénat a aussi un rôle général de contrôle de loi mais de façon spécifique , voilà ce que va faire le Sénat. Le Président a parlé d’hommes et de femmes d’expérience qui ont été rattrapés par l’âge de la retraite. Malheureusement, aujourd’hui, les circonstances font que ces Ivoiriens sont à la maison. Vous devez convenir avec nous que c’est un beau gâchis. En se référant à ces Ivoiriens, le président veut dire tout simplement qu’il faut continuer à compter sur ces Ivoiriens et Ivoiriennes en leur donnant la possibilité d’être là où la loi s’élabore, là où la réflexion se mène, c’est-à-dire au Sénat.

Qu’est ce qui peut expliquer l’opposition de l’opposition à cette reforme ?

L’opposition est dans son rôle d’opposition de contestation, de contradiction par rapport à tout ce que le pouvoir fait. À leur place, nous aurions fait exactement la même chose. Ce n’est pas le fait que l’opposition soit contre qui me préoccupe. Ce sont les arguments qui sont présentés que nous devons regarder. Nous devons les analyser pour voir s’ils sont pertinents ou pas.

Qu’en est t-il du verrou de l’âge limite qui a été sauté ?

Alors, pourquoi est-ce que la limitation de l’âge plafond constituerait un problème. Cette limitation n’existait pas dans notre constitution. Elle existe dans très peu de constitutions. Cette limitation à une histoire. N’oublions pas notre passé. C’est simplement parce qu’à la faveur des travaux de la CCCE (Commission consultative constitutionnelle et électorale) , dans la sous commission constitution en 2000, des membres de cette sous-commission avaient subjectivé en quelque sorte le débat en considérant que le Président Houphouët s’était éternisé au pouvoir et dit que c’est parce que la constitution le permettait. Mais ce qu’ils ont oublié , et que nous n’avons eu cesse de leur rappeler c’est que le Président Houphouët à son âge était plus lucide que des jeunes de 25, 30 ans. La question de limitation de l’âge plafond, à la limite , ne pas la mettre dans la constitution n’enlève en rien l’importance du travail qui a été fait . Bien sûr, beaucoup d’autres questions peuvent être traitées dans un texte subséquent c’est-à-dire le code électoral. Mais ce n’est pas indispensable qu’une telle limitation figure nécessairement dans la constitution pour que nous soyons à l’abri d’un président qui veut s’éterniser au pouvoir. Même si on avait mis cette limitation de l’âge , il peut plaire à un président mais pas au Président Ouattara. Il pourrait plaire à un président de procéder à une révision de la constitution, en modifiant juste cet article pour pouvoir rester au pouvoir. Cette question ne devrait pas diviser les Ivoiriens. Ce n’est pas cette question qui devrait focaliser notre attention. Les questions les plus importantes, de mon point de vue, ce sont celles de la prise en compte des droits de la jeunesse, des femmes. Ce sont des sillons que nous traçons pour demain.

Certaines personnes disent que le comité d’experts est illégitime. Que leur répondez-vous ?

Ceux qui disent que le comité des experts est illégitime, il faut leur accorder leurs droits. Ils sont dans leurs droits. Il faut accorder à chacun de parler et de dire ce qu’il a envie de dire. Mais si au fond ça ne doit pas être n’importe quoi. Je fais observer que ceux qui disent que le comité des experts est illégitime , ont eu à croiser ce comité qui leur a apporté la réplique sur notre illégitimité ou légitimité. En tout état de cause, ceux qui disent cela, visent la mise en place d’une constituante. Mais c’est déguelasse. Ces arguments ne tiennent pas la route quand ils parlent de mise en place d’une constituante. En France, en 1946, la constitution de la 4ème République a été construite par une constituante. Cela a abouti sur ce qu’on a appelé, la collaboration, la trahison de la République. Celle du 4 octobre 1956, en France, celle qui a donné naissance à la 5ème République, a été élaborée exactement dans les mêmes conditions que celle que nous sommes en train de construire. De Gaulle avait commis son ministre de la justice, Debré pour qu’il lui élabore un avant avant-projet de la constitution. Après qu’il l’a élaboré, le général De Gaulle avait mis en place un comité d’expert. Ce comité a été donc instruit des conclusions de Michel Debré, a travaillé sur ces conclusions. Après quoi, leurs conclusions à eux, ont été portées devant un comité consultatif plus élargi jusqu’à ce que l’Assemblée et le Sénat se retrouvent pour travailler sur le document qui a ensuite été adopté. Ceux qui parlent d’illégitimité ont bien d’autres raisons que je n’ose pas qualifié d’alimentaires.

Recueillis par T.A.B et A.A

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