Fronde au Pdci ? Kkp réservé sur l’efficacité de la stratégie de Bédié renvoyé à un proverbe Yoruba

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Nous publions l’intégralité de l’intervention du député Kouassi Kouamé Patrice (KKP, lors du bureau politique de son parti tenue le 19 décembre 2019, à Abidjan. Il révèle qu’il avait envisagé être candidat à la présidentielle 2020, et explique pourquoi il renonce. Il émet des réserves sur la stratégie actuelle de son parti , et cité un proverbe Yoruba, qui semble taillé sur mesure pour le Président Bédié.

« Excellence Monsieur Henri Konan Bédié, Président du PDCI-RDA,
Honorables membres du Bureau Politique,
Honorables membres du Comité des Sages de notre prestigieux parti, le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire,

Il me plaît de prendre la parole pour m’adresser à vous afin de partager mes préoccupations concernant l’objet du Bureau Politique de ce jour qui est de fixer la date et définir les modalités de notre convention devant élire notre candidat pour la reconquête effective du pouvoir d’État au soir d’octobre 2020.

À 57 ans révolus, je ne suis plus vraiment un jeune, ni un vieux non plus. Cependant, notre génération est la mieux formée et la plus outillée pour répondre aux enjeux actuels, et futurs dans tous les domaines sans exclusive et sans complexe.

Dans dix ou quinze ans, notre génération aura atteint les régions de l’âge où l’énergie décline, et où l’action épouse le rythme biologique qui contraint l’Homme à la parcimonie dans l’effort et à de longues réflexions, avant d’agir.

Plus nombreux sont nos jeunes frères, les trentenaires et les quadragénaires qui sont sans complexe devant l’autre et sont capables de nombreux exploits.

Tous ces jeunes ont besoin d’un signal fort pour se sentir concernés et pour s’impliquer dans la gestion de la chose publique.

Tous ces jeunes ont besoin de se projeter dans de nouveaux modèles, d’avoir un nouvel idéal pour se mettre au service de la Côte d’Ivoire à travers le leadership de nouveaux champions porteurs d’une nouvelle espérance.

Excellence, Monsieur le Président, ne courons pas le risque de brûler cette génération qui ne demande qu’à servir en donnant le meilleur du meilleur qu’elle a reçu de vous nos pères. Faisons confiance à la jeunesse, parions sur les jeunes, car les jeunes sont l’avenir de la Nation.

Pour nous, l’avenir c’est maintenant et c’est fort de cela que j’étais persuadé il y a peu que cet engagement devait se traduire par ma candidature à la candidature lors de notre prochaine convention, convaincu qu’elle serait assurément bien accueillie puisque nous sommes un parti démocratique pour ne pas dire le parti démocratique de Côte d’Ivoire, et que dans cet esprit, la convention du PDCI RDA ne pouvait pas être bouclée et gérée d’avance comme au RHDP unifié pour l’élection présidentielle.

Cependant, en l’état, je ne suis plus convaincu que cette candidature soit judicieuse quand je me remémore le souvenir douloureux des élections locales dernières notamment, le Plateau, Port-Bouët et Bassam.

Ce souvenir me permet de penser sans grand risque de me tromper, que l’élection présidentielle d’octobre 2020 sera tout sauf démocratique et qu’elle conduira inexorablement à une autre crise postélectorale.

Dès lors, la question qui se pose est de savoir si nous devons cautionner cette élection voire la légitimer par notre participation ? Devrions-nous participer à cette élection dans ces conditions ? C’est à dire avec une CEI non-consensuelle, une liste électorale qui sera révisée à la va-vite, un découpage partisan des circonscriptions électorales, et des organes chargés du contentieux électoral peu crédibles etc… toutes choses qui contribueront inéluctablement à la proclamation des résultats en faveur du RHDP unifié, en dépit des résultats réels du scrutin.

Pire, avec l’annonce de la modification de la constitution par le régime RHDP unifié, les règles du jeu démocratique ne sont à ce jour pas figées comme elles devraient l’être à dix (10) mois de l’élection présidentielle.

Or, une étincelle de plus en octobre 2020 embrasera le pays tout entier.

Ce ne sera certes pas une guerre armée contre armée, mais plutôt une guerre ethnie contre ethnie, clan contre clan, faction contre faction, ce sera une guerre civile.

Les cas des pays voisins sont là pour nous édifier et nous rappeler que nous sommes comme eux, de simples êtres humains, capables comme eux, du meilleur comme du pire.

À partir de ce moment, la question est de savoir si le fait de participer à une telle élection est judicieux, le boycott de ladite élection n’étant pas non plus à envisager ? Quelles alternatives avons-nous ?

J’entends parler de transition, de passerelle démocratique, d’assises politiques pour décrire une seule et même réalité, c’est que l’élection présidentielle de 2020 ne peut pas se tenir et ne doit pas se tenir dans ces conditions non-démocratiques actuelles.

Je reste persuadé que même si la décision de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples nous était favorable, elle ne sera pas exécutée par le gouvernement, et nous n’avons pas non plus les moyens de l’obliger à l’exécuter.

En outre, la plateforme non idéologique dans laquelle se trouve le PDCI RDA ne conduira jamais les autres partis politiques à nous accompagner pour nous servir sur un plateau la victoire en octobre 2020.

Il est donc urgent que le PDCI RDA prenne le leadership au-delà des partis politiques en associant largement la société civile, les groupes de réflexions, les chefs traditionnels et religieux pour susciter un idéal commun, celui d’organiser un front politique et social afin de parvenir à une réforme intégrale du système électoral pour garantir une paix durable et une stabilité politique pour l’avenir de notre nation.

Pour conclure mon intervention, concernant notre convention, si elle devait se tenir, je reprendrais à mon compte ce proverbe Yoruba qui dit que « Le vieillard qui veut manger les beaux et succulents fruits du manguier doit laisser ses enfants grimper à l’arbre pour les lui envoyer, au risque de faire une chute et de se voir moquer ».

S’agissant de la démocratie dans notre pays, je paraphraserais le Président Thomas Jefferson qui disait et je cite : « Quand l’injustice devient loi, la contestation dans le respect de la Loi devient un devoir ».

Excellence, Monsieur le Président du PDCI-RDA
Honorables membres du Bureau Politique,
Honorables membres du Comité des Sages,
Je vous remercie pour votre bienveillante attention.

Abidjan, le 19 décembre 2019
Honorable KOUASSI Kouamé Patrice

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