LA CHRONIQUE DU LUNDI:L’Afrique,si elle est épargnée par l’épidemie COVID 19,peut-elle échapper à une crise économique

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Un continent épargné ?

Les chiffres montrent que, pour l’instant, l’Afrique semble épargnée par la pandémie du Covid 19. Sur les 1,2 milliard d’habitants, la proportion de la population officiellement infectée reste relativement faible. Au 22 avril 2020, selon les chiffres officiels, on comptait 1.216 décès et 26.058 cas recensés. Même si les chiffres restent sous-évalués par les autorités, l ‘Afrique est bien l’un des continents les moins touchés par la pandémie. Selon une projection provisoire de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), les cas de coronavirus pourraient atteindre, en Afrique, les 10 millions d’ici trois à six mois, ce qui incite à la prudence et conduit les gouvernements à vouloir maintenir les mesures de santé publique, en particulier les gestes-barrière. Certes, l’Afrique pourrait être le prochain foyer de la pandémie, mais on peut se souvenir que les projections les plus défavorables pour l’épidémie d’Ebola qui a frappé l’Afrique de l’Ouest, ne se sont pas réalisées. Ebola, – le virus a été découvert en 1976 -, a fait 11 000 morts entre 2014 et 2016, mais il n’y a pas eu, contrairement au Covid 19, de contagion mondiale. Sans que cela ne soit prouvé, les hypothèses selon lesquelles l’Afrique reste l’un des continents les moins touchés, avec l’Océanie, par la pandémie du Covid 19 sont les suivantes : le climat africain, la jeunesse de la population du continent (41 % a moins de 15 ans. 95 % ont moins de 65 ans, l’âge médian de la population était, en 2017, de 20 ans contre 42 ans en Europe), l’effet protecteur contre le coronavirus des traitements prophylactiques pour la malaria comme la fameuse chloroquine, une meilleure sensibilisation aux risques épidémiques, et des gouvernements qui, prenant rapidement conscience de la gravité du Covid 19, ont fermé les frontières et instauré des mesures de confinement. Dès le lundi 16 mars, afin d’endiguer la propagation du coronavirus, les autorités ivoiriennes, à cause du nombre important de cas importés, ont choisi de mettre en quarantaine les voyageurs arrivant à Abidjan. Il s’agissait, pour la Côte d’Ivoire, de couper les ponts avec tous les pays épicentres de l’épidémie, en particulier l’Europe. Le grand Abidjan est ainsi officiellement isolé du reste du pays depuis le 30 mars.

La menace d’une grave crise alimentaire

IAlors qu’elle semble, pour l’instant, épargnée au plan sanitaire, la pauvreté et le manque d’infrastructures de santé ayant fait craindre le pire, l’Afrique ne pourra pas échapper à une grave crise économique et sociale A l’effondrement de l’économie, viendra s’ajouter une crise alimentaire. La crise alimentaire est la conséquence de la fermeture des frontières, de la baisse de la production agricole et de la hausse des prix des denrées alimentaires. Aujourd’hui, l’Afrique est obligée d’importer les produits alimentaires dont elle a besoin. Selon les chiffres de la Banque Africaine de Développement, le continent verra ses importations nettes de produits alimentaires tripler d’ici 2025 et, en 2050, il ne pourra couvrir que 13 % de ses besoins alimentaires. Pour réduire sa dépendance économique et gagner le pari de la souveraineté alimentaire, l’Afrique devra se fixer comme priorité, dès la sortie de la pandémie Covid19, la reconstruction de son agriculture. Cette priorité s’impose d’autant plus que les menaces de famine existent toujours. Le 21 avril 2020, l’ONG Oxfam affirmait : « le nombre de personnes menacées de famine en Afrique de l’Ouest pourrait quasi tripler en trois mois ». La crise économique risque de conduire les Etats africains à vouloir accélérer la vente de leurs terres agricoles aux multinationales de l’agroalimentaires, qu’elles soient chinoises, américaines ou européennes. L’objectif de ces multinationales n’est pas de satisfaire des besoins locaux, mais de développer des cultures d’exportation. Il faut rappeler que l’Afrique compte 60 % des terres arables non exploitées du monde. Les chemins de l’émergence passent, pour l’Afrique, par l’agriculture.

La crise de l’économie informelle

La crise économique qui menace l’Afrique depuis l’apparition du Covid 19 a été largement documentée, en particulier sur la chute mortifère des cours des matières premières. J’ai consacré mes trois dernières Chroniques du Lundi publiées par L’Intelligent d’Abidjan à la nécessité d’annuler la dette publique africaine comme le proposent le Président français, Emmanuel Macron, et le Président sénégalais, Macky Sall. Cette annulation doit permettre de donner des marges de manœuvre à des Etats-Nations fragiles. D’ici 2030, 80 % des individus les plus pauvres de la planète, soit plus de 620 millions de personnes, vont vivre dans des pays fragiles, principalement en Afrique. La lutte contre les facteurs de fragilité des Etats constitue l’un des enjeux majeurs du développement. Parmi ces facteurs de fragilité, figure l’économie informelle qui, dans tous ses secteurs, représente, selon le FMI, plus de 93 % de l’emploi ivoirien et entre 30 et 40% du PIB national.
A Abidjan, la capitale économique ivoirienne, tous ceux qui dépendent de l’économie informelle, – les « patrons » et leurs « employés », tos ceux qui dépendent des petits métiers du monde informel -, ont du mal à survivre. L’économie s’est arrêtée dans le quartier populaire de Youpougon. Tous les maquis et les boîtes de nuit sont fermés. A côté des mesures de soutien à l’économie formelle, le gouvernement ivoirien a mis en place un fonds spécifique de 100 milliards de francs CFA d’appui aux entreprises du secteur informel. Comment faire parvenir les aides aux acteurs de l’informel, un secteur qui n’est pas organisé ? Au-delà des aides prévues, l’épidémie du Covid 19 doit conduire le gouvernement à réfléchir sur le secteur informel qui ne cesse de se développer en Côte d’Ivoire. Quelles méthodes et quels instruments mettre en œuvre, afin d’assurer une meilleure promotion économique et sociale des acteurs de ce secteur essentiel aux économies africaines ?

Christian Gambotti
Agrégé de l’Université
Président du think tank
Afrique & Partage
Directeur des Collections
L’Afrique en Marche,
Planète francophone
Directeur de la rédaction
du magazine
Parlements & Pouvoirs Africains.

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