Le problème, ce n’est pas Gbagbo et Blé Goudé libres (CPI et réconciliation, Côte d’Ivoire)

3108
Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé

Dernère publication

Concernant le procès de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé en cours, il y’a beaucoup de choses qui se disent ça et là.

Je pense que l’issue peut être un début de réconciliation, alors que beaucoup ont peur que cette issue soit une source de violences.

Certains pensent que la libération de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé va conduire à de nouvelles violences.

Je ne souscris pas à cela, parce que le peuple et les politiciens de Côte d’Ivoire n’ont pas fait le choix du pire. Ils n’ont pas pris le rendez-vous du pire.

Il y a une exigence, une obligation, un devoir et aussi un sentiment de responsabilité qui animera les uns et les autres.

J’estime qu’il n’y a pas de raisons d’avoir peur, et que ce qui se passe actuellement fait partie du jeu judiciaire normal. C’est normal que chacun avance ses arguments. Les juges trancheront en faveur de, ou contre, telle ou telle requête.

L’État de Côte d’Ivoire qui n’a pas été partie prenante dans le procès, essaie de jouer une partition vers la fin.

Il convient d’observer cela comme faisant partie du cour normal des choses.

Cela dit, la question du fonds va demeurer, et elle demeure, puisqu’ils sont acquittés : qui a fait quoi et qu’est-ce qui s’est passé.

Laurent Gbagbo et Blé Goudé sont acquittés. Cela ne signifie pas forcément qu’ils ne sont pas coupables et qu’ils sont innocents, ou qu’il n’y a pas eu de crimes ni d’exaction.

Mais, dans le cadre de la procédure et des preuves qui ont été apportées, dans le cadre du choix fait par l’accusation, et sur la base des standards de preuve de la Cpi qui, quoi qu’on dise, est une justice exigeante, les juges ont estimé qu’il y avait lieu d’acquitter Laurent Gbagbo, car les éléments de preuve apportés par l’accusation ne leur ont paru convaincants .

On a tout dit sur la Cpi. On a dit que c’est une justice politique, instrumentalisée, mais les textes sont là et il faut les lire, les comprendre, les accepter…

Oui, il y a peut-être eu des abus dans la procédure. Oui, on ne devait peut-être pas arrêter Laurent Gbagbo. Oui, on pouvait attendre de le faire , faire le procès en le laissant libre.
Mais aussi la Cpi a ses règles.
Et c’est sur la base de ces règles que les juges ont dit que Laurent Gbagbo et Blé Goudé devaient être acquittés .

Dans un procès, il faut que toutes les parties acceptent les règles. Gbagbo a joué le jeu. Blé Goudé à joué le jeu. Leurs avocats ont joué le jeu.

Malgré leurs griefs et leurs réserves, ils n’ont pas fait le choix de récuser la CPI, ils n’ont pas fait le choix du boycott.

Ils auraient pu refuser de plaider, de collaborer. Ils auraient pu être dans la défiance , en ne répondant même pas aux questions, en disant que dans tous les cas, on sera condamné, alors pourquoi se fatiguer …..

Mais ils ont choisi de se battre , et ont osé le pari de vaincre l’accusation avec les propres règles et procédures de la Cpi.

Parmi les observateurs, peu ont accepté la Cpi telle quelle est.
Ils ont voulu qu’elle soit autre.

Sur la base de ses règles, la Cpi prend les décisions. Elle peut libérer Laurent Gbagbo et Blé Goudé demain, mais je reviens à aux questions du fond qui demeurent , et évoquées plus haut : Alors qui a fait quoi ? Qu’est-ce qui s’est passé en 2010-2011 ? Combien de morts y a-t-il eu ? Qui est responsable ? Faut-il conserver l’impunité et ne condamner personne ?

Tel n’est pas le rôle de la Cpi de chercher à savoir cela. Telle est plutôt au delà du gouvernement, une responsabilité de toutes les ivoiriennes, de tous les ivoiriens, des chercheurs, des acteurs sociaux et politiques du pays.

Nous devons affronter cette histoire sombre , avec courage et responsabilité, avec rigueur !

Si on ne trouve pas les responsables , les coupables, et les auteurs, de ce qui s’est passé en 2010, il ne faut pas être sûr que les gens n’auront pas envie de refaire la même chose, en se disant qu’il n’y a pas de raison qu’ils soient traités différemment de ceux qui auraient pu causer ce qui s’est passé ente 2010-2011 : animiste ou impunité.

Laurent Gbagbo et Blé Goudé libres, ce n’est pas un fait qui peut poser problème.
Laurent Gbagbo et Blé Goudé libres c’est comme Bemba libre en Rdc , c’est comme Mandela libre en Afrique du Sud.

Cela ne peut être une source de guerre nouvelle….

C’est le sentiment général d’impunité à l’égard de coupables non identifiés, non innocentés, au nom de paix , de la stabilité et de la réconciliation nationale, qui peut être source de menaces sur la paix et la stabilité.

N’ayons pas peur de la perspective de voir Laurent Gbagbo et Blé Goudé en liberté sans condition.

Leur liberté sous conditions , faisant suite à plusieurs années de prison, n’a pas été une menace.

Leur liberté sans conditions, ne sera pas une source de danger et d’instabilité.

Charles Kouassi

Commentaire

PARTAGER