Le texte du lecteur : Adieu à la vie

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Dernère publication

-Quelle abomination!

Telle est notre première réaction à la vue d’un corps soutenu par une corde attachée à un bois oscillant dans les airs. La raison ayant conduit cette personne à se livrer à cet acte choquant à la limite abominable, nous importe peu. Car aucune raison aussi justifiée soit-elle, ne peut résoudre la conscience humaine à accepter un suicide. Et pourtant, certains cas devraient nous amener à nous poser la question de savoir « Pourquoi ? ».

Loin de vouloir justifier tout acte suicidaire, il est nécessaire de chercher à connaître l’iceberg de la décision de suicide. Car à la réalité, l’homme ne se résout à le faire que lorsqu’il estime n’avoir autre issue que le suicide. Mais en fait, pourquoi choisir de mettre un terme à ses jours lorsque l’espoir d’un avenir prometteur est encore possible ?  Pourquoi ?

La sérénité de la forêt, soudainement, fut secouée par des cris stridents au cœur même de son intimité. Les oiseaux, effarouchés par ces hurlements prirent à leur cou, leurs ailes. Les animaux cherchaient désespérément la provenance de ces cris qui, parfois, n’étaient pas pour eux, bonne augure. Ils  tremblaient de leurs quatre pattes le regard tourbillonnant sur la direction à prendre. La forêt, qui depuis le lever du jour était aphone, se surprit de produire plus de bruits qu’une usine de fabrication ne saurait faire. La forêt semblait changer de territoire. Aussitôt, l’alarme en alerte que les eaux et forêts, mandés pour veiller au respect de la nature, munis de leurs armes à feu ainsi que de leurs chiens de chasse, se lancèrent à la poursuite des cris.

Ce genre d’évènement, n’est pas chose nouvelle pour eux. Tantôt, c’était les braconniers tantôt les riverains des villages environnant, qui pour garnir leurs foyers allaient jusqu’à mettre du feu à la forêt.

Cette fois-ci, rien ne laissait  entrevoir ces deux tableaux décrits. Un événement nouveau semblait, tellement la forêt était en effervescence, avoir vu le jour.                                                                                                                      Transpirant à grosses gouttes, les agents des Eaux et Forêts couraient dans tous les sens. D’autres, sûrement apeurés couraient à reculons.

Éparpillés dans la jungle, chiens en avant-garde, reniflant la moindre feuille suspecte, les cris des chiens peu à peu se rapprochaient et ne conduisaient qu’à un même endroit. Formant un cercle, tous les chiens se réunirent sous un filao, craquant de toutes leurs forces leurs mâchoires.  Le spectacle qui secoua mère-nature était unique dans cet endroit. Onc, auparavant, les agents des Eaux et Forêts n’avaient connu une telle situation. Désarmés jusqu’au plus profond  de leur cran, ils se décoiffèrent à la vue du spectacle.

Les plus émotifs ne purent aviser leurs larmes de débordées de leurs orbites pour s’exprimer. Soutenu par une corde, un corps sans vie pendait sur une branche du filao. Amorphe, les yeux blancs comme neige et sortis de leurs orbites, langue en fuite, le corps tout pal et durement raidit d’une charmante dame, trépidait au crochet de cet arbre.   L’émotion avait atteint son paroxysme dans le cœur des agents au point d’ignorer le hurleur.

Sclérosés et tout déconfits, ils regardèrent sans voix celle qui devient par manque de souffle de vie une loque humaine. L’un d’entre eux, Jules, le plus jeune qui venait à peine de sortir de l’école de formation,  s’approcha de celle qui par ses cris terrifia toute la forêt. Posa sa main toute tremblante sur elle, puis chuchotant des mots à son oreille, il l’éloigna de l’horrible scène. Personne d’entre eux n’osa vitupérer ce qu’ils venaient de voir, c’est à peine qu’ils échangeaient dans l’attente de la morgue.  La mort a des mystères que nul ne saura expliquer.  De retour sur la scène, Jules, dans ses marches méditatives, achoppa un carnet qui se trouvait au bas des pieds du corps. Hésitant sur le fait de le saisir, il prit la peine de l’ouvrir. C’est alors qu’il vit écrit en grand caractère tout au long de la première page : «  ADIEU A LA VIE. ».

 Loba Soukpa Jean-Marcks

Lecteur de « L’Intelligent d’Abidjan »

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