Vice-président sorti du ticket, Cour suprême supprimée (réformes constitutionnelles,Côte d’Ivoire)

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photo aip

Dernère publication

Alors que ce jeudi 5 mars 2020, aucune information officielle précise n’avait encore été rapportée au sujet de la réforme de la constitution en Côte d’Ivoire, à une heure de l’adresse du Président de la République, Alassane Ouattara, au Parlement ivoirien réuni en Congrès pour la première fois depuis la réforme constitutionnelle de 2016 , l’IA a appris que deux points parmi d’autres possibles ont retenu l’attention du comité de réformes : les conditions de désignation du vice-président de la République, et la suppression de la Cour suprême.

Si la suppression de la Cour suprême paraît évidente, en raison de la création de trois institutions judiciaires : Cour des comptes , Conseil d’État et Cour de cassation, tel ne semble pas être le cas de la modification au niveau du vice-président de la République, qui ne sera plus élu sur un ticket présidentiel, mais qui sera nommé parmi les sénateurs ou les députés, selon le projet de réformes.

En 2016, la vice-présidence de la République , ( un projet qui avait déjà effleuré l’esprit du Président fondateur de la Côte d’Ivoire, mais qui n’avait pas été mis en application ) avait été introduite dans la constitution de la troisième République. L’objectif était alors d’assurer la continuité, et une transition, en douceur, en cas de vacance du Président de la République. Il s’agissait également de mettre fin à la succession du Président de la République, représentant de l’exécutif , par un acteur en exercice du pouvoir législatif.

Avant la réforme de 2016, c’est le Président de l’Assemblée nationale qui était en posture de succéder au Président de la République, pour une période transitoire, en vue d’organiser les élections.

Dans l’esprit des constituants de 2016 , le fait que le chef du pouvoir législatif succède au chef du pouvoir exécutif, était une anomalie d’une part ; d’autre part le caractère transitoire en vue d’une élection dans les 60 jours suivant la vacance , n’était pas un calendrier réaliste, ni un gage de stabilité pour le pays.

La réforme avait été adoptée avec d’autant plus d’enthousiasme qu’elle instaurait une nouveauté en Côte d’Ivoire : le ticket présidentiel à l’élection, avec un candidat president et un candidat vice-président se présentant devant le peuple .

Toutefois, en guise de disposition transitoire, puisque l’option d’organiser une nouvelle élection présidentielle n’avait pas été prévue ni même envisagée, le Président de la République avait été autorisé par la constitution à nommer le vice-président de la République.

Alassane Ouattara avait alors fait l’annonce du choix du vice-président devant le Parlement qui à l’époque était composé d’une seule chambre, l’Assemblée nationale.

4 ans après, ce qui avait fait la force du ticket présidentiel semble faire aujourd’hui sa faiblesse.

D’abord il avait fallu organiser la fonction, trouver des taches et missions pour le vice-président de la République, numéro de l’ État et la République.

Passée cette étape , et voulant disposer pour l’avenir, certains experts ont estimé que le ticket présidentiel était en contradiction avec la constitution qui octroyait la totalité du pouvoir exécutif au Président de la République.

Élu en même temps que lui, et alors même qu’il pouvait avoir le sentiment que c’est à lui que le Président de la République avait été élu , le vice-président de la République ne dispose pourtant d’aucun pouvoir propre, d’aucune prérogative, d’aucune capacité d’initiatives. Son existence est liée au Président de la République.

Cette situation est alors apparue comme une incongruité, aux yeux d’un juriste-expert proche du camp présidentiel ivoirien : « soit on lui donnait des prérogatives propres en dehors du seul fait de succéder au chef de l’état en cas de vacances ( et dans ce cas , lui qui n’a pas été élu directement président de la république, mais qui le devient peut nommer un autre vice-président, tandis que le principal élu n’a plus cette prérogative; soit on le faisait nommer par le Président de la République qui est le détenteur exclusif du pouvoir exécutif pour éviter toute confusion . Aujourd’hui le président et le vice-président sont en phase , mais imaginons une situation de crise et de dissensions, dans un contexte où le vice-président est élu au suffrage universel dans un ticket. On nous dira que dans les pays où cela existe, la situation ne pose pas problème, mais si on s’en tient au fait que le vice-président de la République ne sert qu’à assurer et assumer la transition, et que ses pouvoirs dépendent du Président de la République, et n’ont du suffrage universel qu’il a obtenu en même temps que le Président de la République, il y’avait lieu de rectifier les choses ».

La source ajoute qu’il importe peu pour le Président Ouattara que la réforme profite à Bédié, à Affi et aux autres candidats qui auraient peut-être eu des difficultés à composer un ticket. Le juriste reconnaît néanmoins que la rupture d’avec le Pdci a pu faire percevoir les choses : « La réforme avait été faite dans l’esprit de l’alternance entre Houphouëtistes. La division entre Houphouëtistes avec le départ du Président Bédié a fait prendre davantage conscience du danger du ticket soumis au suffrage universel. Même si en cas de démission, ou d’empêchement quelconque, le Président de la République, a le pouvoir de nommer un autre vice-président en cours de mandat sans recourir à de nouvelles élections, le caractère à priori inamovible d’un vice-président peut poser problème. Il ne faut pas donner l’opportunité d’une crise constitutionnelle, d’une autre au sommet de l’État qui n’a qu’un seul chef », a-t-il expliqué. Selon lui, le projet de la désignation comme vice-président de la République d’un élu ( député ou sénateur), et peut-être l’obligation de l’accord du parlement, peuvent permettre d’éviter de prendre comme vice-président de la République, un acteur sans aucun contact quelconque direct avec le peuple. Mais le fait que le vice-président soit introduit au sein de l’exécutif , fait qu’il n’est plus comptable des actions du pouvoir législatif comme l’était le président de l’Assemblée nationale , au moment où il devait avoir à succéder au président de la République en cas de vacance du pouvoir ».

Est-ce cet argumentaire et sans doute d’autres points que le chef de l’État va developper ce jeudi 5 mars 2020 devant les sénateurs et députés de Côte d’Ivoire ?


Charles Kouassi

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