Lettre ouverte à Monsieur le Premier Ministre : LE BNETD JUSTIFIE-T-IL SON EXISTENCE ET LES MILLIARDS F CFA QU’IL NOUS COUTE ?

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M. le Premier Ministre, nous avons beau y résister, nous ne pouvons continuer de garder le silence face au sujet de profonde préoccupation que constituent pour nous les dégâts causés par les pluies en cours en Côte d’Ivoire. Nous en sommes d’autant indignés que nous avons dans notre pays depuis bientôt quarante (40) ans un ‘’super structure’’ censée concentrer les meilleures compétences nationales pour faire face justement à ce type de problèmes, en l’occurrence le Bureau National des Etudes Techniques et de Développement (BNETD), ex-Direction des Grands Travaux. M. le Premier Ministre, cette structure coûte nombre de milliards de francs CFA au contribuable ivoirien. Et pourtant, elle apparaît en définitive, à l’épreuve de ces difficultés, n’être qu’une bulle de bureaucratie qui n’a jusque-là point concouru de façon conséquente au développement de notre pays, encore moins à celui d’autres, en dépit de tout le mythe d’hyper-compétence dont elle s’entoure.
M. le Premier Ministre, c’est un véritable défi à notre compréhension que de voir ce Bnetd nous être présenté comme le meilleur creuset de cadres compétents en matière d’études de projets d’infrastructures. Ce, alors même que les eaux continuent de causer de gros dégâts dans notre pays à chaque saison des pluies, ruinant ainsi les gros investissements consentis par le gouvernement ainsi que le fruit du travail de toute une vie de nombre de particuliers. De toute évidence, c’est la question-même de l’effectivité de la compétence de ces cadres que ces sinistres mettent sur la table. Au moins que ce ne soit celle, plus globale, de la mission-même du Bnetd.
I- DE LA COMPETENCE DES CADRES DU BNETD
L’eau de pluie qui devrait nous être utile en Côte d’Ivoire, nous tue et démolit nos maisons au vu et au su des « experts » du Bnetd. Et pourtant l’eau est synonyme de bonheur dans un pays lorsqu’elle est bien gérée. Mais elle peut aussi devenir source de malheur si elle n’est pas contrôlée. Cela explique que tout pays consent beaucoup d’efforts pour sa gestion. Malheureusement, que constatons-nous dans notre pays ? Le Bnetd qui devrait mener des études approfondies destinées à transformer ces pluies en bonheur, laisse la population se défendre toute seule contre celles-ci comme dans une guerre. Or, lorsque l’on laisse à l’eau la latitude de se frayer elle-même une voie d’écoulement et de se trouver une destination, le résultat a été toujours une catastrophe.
A la base de cette situation périlleuse, il y a l’évidente défaillance dans l’étude, et par voie de conséquence, dans la conception et la réalisation des infrastructures destinées à la gestion de de ces eaux de pluie. A Abidjan, les caniveaux sont conçus en toile d’araignée ; cela ne marche pas, car nous ne sommes pas situés sur une zone plate ou uniforme. Lorsqu’un quartier doit être viabilisé, le premier travail à faire c’est de construire un centre de traitement des eaux usées. Cette infrastructure les reçoit, ensuite un tri y est fait pour récupérer les objets lourds, puis l’eau est pompée vers sa destination finale, à savoir la lagune dans le cas d’espèce. En l’absence d’une telle orientation de conception des canalisations, les eaux de pluie qui devaient faire notre bonheur, ne peuvent malheureusement que nous tuer et démolir nos maisons. Pourtant, nous avons à foison ingénieurs, docteurs et experts qui dorment au Bnetd ! De fait, il est bien normal que les pluies submergent et détruisent toutes nos infrastructures, dès lors qu’à l’origine l’étude a été insuffisamment menée. Cela ne peut que déteindre sur la conception de celles-ci ; et leur état final de réalisation viendra mettre en évidence leur inadéquation à l’épreuve de la pluie. Les inondations n’arrivent pas fatalement partout où il pleut ; c’est même un phénomène naturel. Le problème, c’est le débit auquel l’eau est évacuée vers sa destination finale. Ce sont donc les études et la conception des canalisations, notamment à Abidjan, qui sont directement la cause des dégâts que les pluies provoquent à chaque saison. Et par voie de conséquence, se trouve directement engagée la responsabilité de la structure qui est chargée depuis près de quarante (40) ans de la gestion de ce problème. Puisqu’en technique, l’étude est une grande responsabilité. Elle détermine le fonctionnement et la sécurité. Lorsqu’elle est bâclée ou truffée d’erreurs, le tout s’écroule. C’est ce que nous constatons malheureusement avec les grands travaux réalisés en Côte d’Ivoire.
Fort curieusement, M. le Premier Ministre, jamais la responsabilité du Bnetd n’a été pointée du doigt dans ces nombreux morts, maisons détruites et infrastructures lourdement endommagées ! Le gouvernement continue de provisionner tranquillement ce bureau en milliards de francs CFA qui ne servent en fin de compte à rien !
Au total, le Bnetd a beau être présenté comme la plus grosse concentration d’ingénieurs, docteurs et experts en Côte d’Ivoire, son impact sur le développement de notre pays est toujours loin d’être décisif. Le développement ne vient pas simplement par un regroupement des hauts diplômes ; il est le résultat du travail. Autant le diplôme est le résultat du travail accompli à l’école. Or, à la pratique, nous sommes bien obligés de constater que ce bureau fonctionne plus comme une simple administration qu’une structure technique d’opérations de terrain. Comment l’expliquer ?
La raison en, M. le Premier Ministre, est qu’une grande majorité des ingénieurs du Bnetd sont partis de l’école pour intégrer directement ce bureau pourtant censé être de très haut niveau. Et dès leur arrivée, leur ont été aussitôt dévolues des charges d’études, peut-être au diapason de leurs qualifications théoriques mais souvent hors de leurs compétences pratiques. Or, en tout état de cause, quels que soient le diplôme détenu par un individu et l’école où l’a obtenu, sans avoir travaillé dans des structures où s’acquiert l’expérience pratique, cela ne vaut pas encore grand-chose. De sorte que nous pouvons considérer que les ingénieurs du Bnetd ont une expérience dans l’inexpérience : à être enfermés dans leurs bureaux, leur expérience théorique s’accroît ; à l’inverse, leur expérience pratique, elle, ne décolle point ! Or, tous les ingénieurs devraient être présents sur les chantiers, du départ à la finition des travaux. Cela enrichirait plus l’opérationnalité du Bnetd que la bureaucratie qui y a cours.

II- DE LA MISSION DU BNETD
Malheureusement, M. le Premier Ministre, ce bureau est en pratique très loin de jouer un tel rôle. Ce qui ne peut que nous conduire à soulever ici la question de sa mission. De fait, cette structure, dont les ingénieurs et experts se montrent si peu enclins à pratiquer la boue et la poussière du terrain, au point de se fourvoyer régulièrement dans la conception des projets, devrait-elle encore être en charge de l’aspect ‘’Etudes’’ de nos infrastructures ? En tout état de cause, pour notre part, nous disons non. Et ce point de vue ne peut que rencontrer l’adhésion massive de tous ces Ivoiriens désespérés de voir le Bnetd inopérant, pire, impuissant ! face aux nombreux dégâts que subissent nos infrastructures publiques ainsi que nos biens privés dus à des intempéries pourtant bien prévisibles. Vraisemblablement, cela résonne comme l’aveu d’échec de cette structure à assurer cet aspect ‘’Etudes’’. M. le Premier Ministre, je propose donc humblement, pour une raison objective d’efficacité dans la construction de notre développement, que le Bnetd en soit déchargé et que cette mission soit laissée à des consultants privés que l’Etat pourra soumettre plus aisément à des exigences beaucoup plus élevées de qualité et de résultats. Ce bureau se recentrerait alors sur l’aspect ‘’Contrôle’’ qui semble plus en phase avec ses compétences et ses procédures.
Encore que là également, M. le Premier Ministre, une question cruciale mérite d’être tranchée quant au rôle exact que joue le Bnetd dans l’exécution de sa mission de contrôle, afin que soit définitivement situées les attentes des Ivoiriens vis-à-vis de ce bureau. En effet, lorsqu’il exécute cette charge de Contrôle des infrastructures réalisées par les opérateurs et qu’il donne son quitus pour que l’Etat en prenne possession, valide-t-il ces infrastructures selon les normes techniques internationales en vigueur comme il le clame ou alors valide-t-il en fonction des fonds réels affectés à la réalisation de ces infrastructures, et qui en réalité, s’avèrent dans nombre de cas largement inférieurs aux budgets qui y sont officiellement alloués ? Autrement dit, ce bureau valide-t-il selon les normes techniques ou alors en fonction des fonds affectés ou les deux à la fois ? Cette question a de quoi surprendre voire dérouter, M. le Premier Ministre. Mais alors comment expliquer autrement le constat que fait chaque Ivoirien au quotidien et qui offre à sa vue des infrastructures pourtant contrôlées, certifiées et validées par le Bnetd, puis inaugurées en grandes pompes par le Président de la République en personne ou le Premier Ministre, et qui se retrouvent seulement un (1) ou deux (2) ans après dans un état hautement délabré et désastreux ? Il suffit de se référer au nouveau tronçon de l’Autoroute du Nord Singrobo-Yamoussoukro pour comprendre tout l’intérêt de notre préoccupation. Construit par la société tunisienne SOROUBAT et inauguré par le Président Alassane Ouattara en décembre 2014, le bitume de ce tout nouveau tronçon était déjà effrité et parsemé de très larges crevasses avant même la fin de l’année 2015 ! Aujourd’hui, à peine deux (2) ans après son entrée en service, son revêtement est déjà en train d’être décapé pour être remplacé. Un constat révoltant quand on constate que le premier tronçon de cette Autoroute du Nord inauguré en …1981, soit il y a 36 ans, est toujours quasiment intact ! Et ce syndrome des chaussées qui s’effritent est également en train de se signaler au niveau de l’échangeur du Pont Henri Konan Bédié à Marcory, réalisé, lui, par le Groupe Bouygues et, une fois de plus, contrôlé, certifié et validé par le Bnetd. Des personnes ayant travaillé sur le chantier de l’Autoroute du Nord rapportent que cette dégradation ultra rapide des chaussées est due au fait que l’opérateur (SOROUBAT) y a été autorisé à utiliser dans le bitume une colle de très bon marché, et donc de très mauvaise qualité, dont l’usage lui a été refusé au Burkina Faso où il est également présent. Et de tels cas d’infrastructures de très mauvaise qualité et en ruines sont légion dans notre pays ! Le cas le plus emblématique et affligeant est celui de LA COTIERE, la célèbre route reliant Abidjan à San Pedro. Le Bnetd brandissait à cette infrastructure son inauguration en 1994 comme sa plus grande fierté. Et pourtant, celle-ci a commencé à se dégrader elle aussi seulement deux (2) ans après et depuis plus de quinze (15) ans, LA COTIERE n’existe plus comme route bitumée ! Alors, M. le Premier Ministre, le Bnetd valide-t-il les travaux de nos infrastructures en fonction des normes techniques reconnues ou alors fait-il des contrôles au rabais pour valider des infrastructures dont les fonds prévus et annoncés ont été détournés et donc réduits ?
III- DE L’EXISTENCE DU BNETD
Au total, M. le Premier Ministre, si le Bnetd est défaillant pour les Etudes et qu’il l’est aussi dans le Contrôle, qu’est-ce qui peut encore justifier son existence ? Qu’est-ce qui justifie en définitive les dizaines de milliards F CFA qu’il coûte au contribuable ivoirien ? Il y a déjà bien trop longtemps que cette structure faut à sa mission. Soit ce bureau doit être entièrement repensé pour qu’il serve effectivement l’impératif de développement de notre pays, soit il doit être dissout purement et simplement. Tant il n’est dans la pratique qu’un mastodonte bureaucratique inopérant et n’apparaît que comme une haute administration qui confère grand prestige et procure traitements salariaux faramineux. S’il doit donc continuer d’exister, M. le Premier Ministre, le Bnetd doit subir une mutation en profondeur de son contenu, en clair une redéfinition de sa mission et un reprofilage de son personnel technique, pour qu’il se porte effectivement aux avant-postes de notre quête de développement. Vu l’importance de la mission qui est assignée au Bnetd, puissiez-vous faire diligence, M. le Premier Ministre, pour qu’il l’assume effectivement !

M. GABRIEL DIABATE

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