Rapport 2019 sur la gouvernance en Afrique – Mo Ibrahim :“Il n’est pas de politiques efficaces sans données solides”

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Le dernier rapport de la Fondation Mo Ibrahim est désormais disponible. Ce rapport qui s’appuie sur l’Indice Ibrahim pour la gouvernance en Afrique, est un pavé de 96 pages qui apporte de nouveaux éclairages sur les progrès accomplis vers la réalisation, tant de l’Agenda 2063 de l’Union africaine (UA) que des Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations Unies.

Commentant le Rapport 2019 sur la gouvernance en Afrique publié par la fondation éponyme, Mo Ibrahim a dit : « Nous nous félicitons des efforts constants pour améliorer la gouvernance, facteur crucial pour la réalisation des ODD et de l’Agenda 2063. Nous sommes toutefois préoccupés par l’incapacité dans la plupart des cas de suivre avec précision les progrès accomplis. Il n’est pas de politiques efficaces sans données solides. Sinon, nous avançons à l’aveuglette : les politiques sont inadéquates, les ressources mal orientées, et les progrès incertains. Il faut conjuguer les efforts pour combler en urgence ce data gap, si nous voulons effectivement achever nos ambitions sans laisser personne sur le bord de la route ».

Ce rapport, selon un communiqué dont nous avons reçu copie met en évidence les efforts qui restent à accomplir afin d’améliorer la gouvernance en Afrique, et souligne de façon générale la nécessité urgente de combler le « data gap » sur le continent, si l’on veut être à même d’évaluer les progrès accomplis et les efforts qui restent à mettre en œuvre. Le rapport est publié alors même que le continent s’apprête à entamer la dernière décennie de l’Agenda 2030 (ODDs) et se trouve à mi-parcours du Premier Plan décennal de Mise en œuvre de l’Agenda 2063. L’IIAG, qui constitue l’ensemble de données le plus complet sur la gouvernance publique en Afrique, relève d’abord l’existence d’une corrélation forte entre les scores obtenus en matière de Gouvernance globale et les résultats de l’Africa SDG Index, soulignant l’importance de la gouvernance publique pour assurer un développement durable. Le rapport met ensuite en évidence les priorités à aborder dans les différents domaines ciblés conjointement par les deux Agendas 2030 et 2063 et couverts par l’IIAG : Accès à l’éducation et éducation de qualité, Santé et nutrition, Inclusion des femmes et des jeunes, Prospérité et opportunités économiques, Sécurité, justice et institutions fortes.

En matière d’éducation, même si des progrès incontestables ont été accomplis en termes d’accès à l’enseignement, le décalage entre l’offre d’enseignement et les besoins du marché de l’emploi est un sujet de préoccupation croissante. Dans le domaine de la santé, la disponibilité et l’accessibilité, notamment financière, des services de santé de base appellent une attention particulière. La détérioration des indicateurs en matière de sécurité alimentaire est également un sujet. En matière de prospérité et d’opportunités économiques, les progrès restent encore notoirement insuffisants en ce qui concerne la diversification des exportations, l’accès de tous à l’électricité, les infrastructures de transport, les investissements en secteur rural et l’intégration régionale. Les données de l’IIAG mettent également en valeur d’intéressantes corrélations, entre l’accès à l’électricité et les performances en matière de santé et d’éducation par exemple. Le rapport met enfin en exergue, de façon générale, le caractère inquiétant du manque de données constaté à l’échelle du continent. Près de la moitié des objectifs de l’Agenda 2063 ne sont pas directement quantifiables et, à ce jour, moins de 20 % d’entre eux s’accompagnent d’un indicateur permettant de mesurer les progrès accomplis. Moins de 40 % des indicateurs relatifs aux ODD disposent de suffisamment de données pour suivre avec précision les progrès réalisés sur le continent. En outre, plus de la moitié des données sur les indicateurs des ODD concernant l’Afrique proviennent d’estimations, ou de modélisations. La capacité de suivi des progrès réalisés, vers les objectifs de développement en Afrique, et, partant, de ceux qui restent à accomplir, est donc en question.

Depuis l’adoption des deux Agendas 2030 et 2063, la couverture et l’accessibilité des données dans des domaines clés se sont détériorées en Afrique. Cette évolution préoccupante touche en particulier les statistiques démographiques et l’état civil. Huit pays africains seulement disposent d’un système d’enregistrement des naissances couvrant au minimum 90 % de la population, et trois seulement d’un système d’enregistrement des décès couvrant au minimum 90 % de la population. Le manque de données d’état civil présente un contraste frappant avec la croissance démographique d’un continent qui pourrait compter 1, 68 milliard d’habitants en 2030. En l’absence de statistiques démographiques précises et exhaustives, constate ce rapport, il est impossible de mettre en œuvre des politiques de développement efficaces et adaptées aux populations effectivement concernées. Depuis 2008, selon l’IIAG, très peu d’améliorations ont été obtenues d’une manière générale en matière de capacités statistiques. Le problème est aggravé par la faible autonomie des Instituts nationaux de statistique.
En conclusion, le rapport plaide pour la mise en place prioritaire de données solides. L’Obtention des Données de Développement (Sound Data for Governance) constituerait en quelque sorte un ODD (SDG) « chapeau », préalable indispensable à la réalisation effective de tous les autres.

Olivier Dion avec Équipe médias de la Fondation Mo Ibrahim

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