Transformation de l’anacarde-Les vraies raisons de la fermeture de l’usine DENIA à Bassam

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Quelles sont les vraies raisons de la fermeture de l’usine Dénia située à Grand Bassam ?

Pourquoi l’usine de transformation de noix de cajou située dans la zone franche du Village des technologies de l’information et de la biotechnologie (Vitib) à Grand-Bassam, Dénia Ivoire est à l’arrêt ? En effet, un chômage technique est annoncé pour les plus chanceux des 2000 employés. Cette situation suscite diverses réactions et explications.

La fermeture de l’usine Dénia à Grand-Bassam soulève plusieurs interrogations quant aux véritables motifs derrière cette décision. Dénia Ivoire est confrontée à un arrêt de ses activités. Cette situation a provoqué diverses réactions et nécessite des éclaircissements.

Critiques envers l’administration

La productrice de contenus et éditrice de médias Edith Brou critique sur sa page Meta-Facebook, la fermeture de l’usine de transformation de noix de cajou Dénia, en pointant du doigt les difficultés d’approvisionnement en noix brutes comme principale cause des pertes importantes subies par l’entreprise marocaine au cours des trois dernières années. Elle ajoute que l’investissement initial de cette entreprise marocaine était de 20 millions d’euros, soit 13.100.000.000 Fcfa (treize milliards, cent millions de nos francs).

Selon Samuel Mathey, président de la Fondation Africaine pour l’Entrepreneuriat et le Développement Économique, cette situation découle des décisions de l’État ivoirien favorisant une concurrence déséquilibrée au détriment des transformateurs locaux , tandis que les gros exploitants du secteur en bénéficient. Cette situation est exacerbée , selon lui, par des problèmes de corruption et de mauvaise gouvernance.

Plainte de riverains et problèmes de pollution

Pourtant , c’est une plainte de riverains relative à des nuisances sonores et diverses pollutions, qui a joué un rôle dans la fermeture de l’usine. Ainsi un courrier du ministère de l’Environnement daté du 30 août 2021 met en demeure l’usine de cesser toute pollution et d’exécuter des recommandations spécifiques. Malgré un engagement initial, la société n’a pas réalisé toutes les mesures recommandées, maintenant ainsi les nuisances et ne respectant pas les normes environnementales en vigueur.

Les échanges avec l’administration

Le courrier du ministre au Dg de l’Environnement au Dg de Dénia Ivoire est ainsi libellé : « Dans le cadre de la plainte pour nuisance sonore, adressée par le couple Djama, au directeur général de l’environnement contre votre société, et imputée au Centre ivoirien antipollution (Ciapol), des missions ont été réalisées par des agents du Ciapol sur votre site situé dans la zone franche de grand-Bassam. Il ressort des entretiens et des visites des installations effectuées lors des premières missions que la société Dénia Ivoire est spécialisée dans la transformation des noix de cajou et a débuté ses activités en 2021. L’entreprise ne dispose pas d’acte administratif. La zone de décorticage des noix de cajou est très bruyante. Les moteurs occasionnant des nuisances sonores sont placés à l’arrière des installations et sont mitoyens au domicile du couple Djama. L’entreprise dispose d’une chaudière à biomasse pour le fonctionnement des équipements de la zone de décorticage. La cheminée est dépourvue de filtre à air, d’orifice pour d’éventuelles prises de mesure, de rampe d’accès et est d’une hauteur inférieure à la norme. Des odeurs se dégagent lors des procédés de décorticage des noix de cajou. L’entreprise n’a pas réalisé d’analyses de la qualité de l’air, de la fumée et du bruit. Suite à ces constats, des recommandations avaient été adressées par le Ciapol à votre société pour lesquelles vous avez transmis un chronogramme de mise en œuvre et dont la date limite pour l’exécution des recommandations était fixée à juin 2022 ».

Selon le courrier dont nous avons reçu copie, il s’agissait notamment des mesures suivantes : la délocalisation des quatre moteurs situés à l’arrière de l’entreprise mitoyen au domicile Djama, la réalisation des mesures de la qualité de l’air, du bruit et de la fumée par un cabinet agréé par le Ciapol, la transmission du rapport d’analyse au Ciapol, l’évaluation de la qualité des effluents liquides, la mise en place d’un système d’épuration des eaux de procédés, la dotation des cheminées en filtres de rampe d’orifice et de chapeaux, l’augmentation de la hauteur des cheminées afin de permettre une bonne diffusion de la fumée dans l’atmosphère, l’installation des extracteurs d’air au niveau de la zone de décorticage, la nécessité de se conformer aux dispositions administratives et réglementaires en vigueur. Selon le document, le mardi 2 aout 2022, une équipe du Ciapol a effectué une mission de la mise en œuvre des recommandations. Contre toute attente, celle-ci a constaté que la société, malgré les engagements pris, n’a pas exécuté toutes les recommandations susmentionnées. «Si bien que les nuisances générées par les activités de votre établissement demeurent. De ce qui précède, votre établissement ne respecte non seulement pas les exigences en matière de protection de l’environnement, tel que défini par les dispositions en vigueur mais constitue également une menace pour le voisinage immédiat», écrit l’autorité administrative. Ainsi conformément à l’article 26 du décret numéro 98-43 du 28 janvier 1998 relatif aux installations classées pour la protection de l’environnement, la société Dénia Ivoire a été mise en demeure dès réception de la présente, de faire cesser immédiatement la pollution sur le site, d’une part, et d’exécuter les recommandations suivantes dans un délai d’un mois. Le ministre de l’Environnement et du développement se réservait de suspendre par arrêté le fonctionnement des installations de Dénia Ivoire conformément à la loi avec à la clé, des sanctions pécuniaires. L’on apprend que c’est pour éviter une telle situation que l’entreprise a réduit d’abord ses activités , et qu’elle s’est ensuite résolue à un chômage technique pour une partie du personnel. Elle espère pouvoir profiter de cette situation pour se mettre en conformité avec la législation.

Inadéquation technologique et localisation

Le choix du VITIB pour l’activité de transformation de l’anacarde est remis en question par certains acteurs de la filière, qui estiment que l’emplacement n’est pas optimal par rapport aux zones de production de l’anacarde en Côte d’Ivoire. De plus, l’usine Dénia aurait opté pour une technologie non adaptée au contexte ivoirien. Cette technologie dite italienne par les spécialistes, rend son système de transformation non rentable.

La fermeture de l’usine Dénia Ivoire reflète donc un ensemble de problèmes allant des difficultés d’approvisionnement et des choix technologiques inappropriés à des enjeux environnementaux et administratifs, mettant en lumière la complexité des défis à surmonter dans le secteur de la transformation de l’anacarde en Côte d’Ivoire.

Claude Dassé

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