Yasmina Ouegnin sur TV5:«6 à 7 millions d’électeurs en 2020, c’est en deçà »

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Yasmina Ouegnin, député de Cocody, a indiqué dans un entretien accordé à TV5, que des millions d’ivoiriens resteraient en marge du processus électoral en 2020, si le coût de production de la carte nationale d’identité reste maintenu à 5000 F CFA. Elle s’est également prononcée sur le rapprochement entre Gbagbo et Bédié. Une transcription L’Intelligent d’Abidjan. 
 
 
 
Comme la majorité des opposants, vous critiquez aussi cette nouvelle Cei. Que lui reprochez-vous ?
Je ne sais pas s’il faut dire l’ensemble des opposants. Je pense qu’il faut plutôt dire l’ensemble des ivoiriens. Le citoyen lambda ivoirien est conscient qu’il y a une dizaine d’années,  ce qu’on avait demandé au Président Laurent et qu’il avait fini par accepter, n’est pas accepté aujourd’hui par le Rhdp et le Président Alassane Ouattara. C’est-à-dire, une Cei qui pourrait être consensuelle. Qui pourrait être mieux repartie, tant dans la forme que dans le fond. Nous avons en fait, une problématique qui est très simple. Les élections ivoiriennes n’inspirent pas confiance. Comment obtenir des résultats crédibles ? Comment obtenir que les élections se passent dans des conditions apaisées ? Comment rassurer les populations? Les évènements de 2010-2011 doivent être pour nous une leçon. Nous avons échoué la première fois, il faut en tirer les leçons et s’arranger pour qu’en 2020, puisqu’il y a une élection présidentielle, nous n’ayons pas à revivre ces drames. Et cela passe d’abord par une Commission électorale réellement indépendante.
 
 
 
Pourtant les dirigeants du Fpi, notamment Pascal Affi N’Guessan, estime que, cette nouvelle Cei est un acquis minimum …
Oui. Mais, en même temps, il dit  qu’en participant à la constitution de cette Cei, il continuera à négocier.  Voyez-vous, en 2014, quand la Cei a été modifiée une première fois, j’étais déjà député. Et nous avions constitué un groupe de 29 membres députés. Il y en avait 26 du Pdci-Rda et 3 de indépendants, nous avons intenté un  recours devant le Conseil Constitutionnel de l’époque. Nous avons été déboutés. Mais, la Société civile s’est saisie du problème et a demandé à Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, de se pencher sur cette Cei. L’État de Côte d’Ivoire  a à cet effet reçu une injonction de cette Cour. La décision est là. Il fallait que cette Cei respect des principes fondamentaux, à savoir que tout le monde  devait être égal. Mais, nous avons un déséquilibre flagrant. L’État est surreprésenté. C’est cela que nous dénonçons.
 
 
Y-a-t-il encore des recours possibles, à présent que cette réforme a été adoptée par le parlement ?
Ce n’est pas une réforme qui a été adoptée, mais plutôt une recomposition.  Mais, justement, l’opposition a saisi de nouveau la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Nous sommes dans l’attente du retour de cette Cour.
 
 
À moins d’un an de la présidentielle, les alliances s’organisent. Il y a les alliances au Rhdp, et de l’autre côté, comme il a été donné de voir à Bruxelles, entre Laurent Gbagbo du Fpi et Henri Konan Bédié du Pdci-Rda. Que pense l’ancienne Pdci que vous êtes, de cette rencontre ?
Je suis toujours Pdci. C’est vrai que j’ai un mandat indépendant. Par respect pour mes électeurs, je m’astreins à une certaine neutralité. Mais, je suis militante activité du Pdci.
 
 
Mais il y a deux ans, vous avez été exclue du Pdci …
Oui ! Exclue, suspendue avec certains membres de ma famille(…). Nous étions contre l’alliance entre le Pdci et le Rdr, qui devait aboutir, selon eux à l’époque, à un parti unifié appelé Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (Rhdp. Ndlr). Pour moi, cela équivalait déjà, à l’époque, à la mort du parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci). C’est pourquoi je me suis battue , jusqu’à me faire exclure du parti.
 
 
 
Aujourd’hui, les faits vous donnent raison
En tout cas, au niveau des organes dirigeants du parti, tout le monde a rejoint mes positions. Je ne dis pas que les faits me donnent raison. Mais, je dirai que le Pdci est de nouveau éveillé. On assiste donc à un nouveau réveil du Pdci. Et ce n’est pas plus mal. Je m’en réjouie.
 
 
 
Vous appartenez au groupe parlementaire Vox-Populi qui est un groupe de députés indépendants. Quels sont vos liens aujourd’hui avec le Pdci ?
Nous sommes un groupe de députés qui avons été élus sous bannière indépendante.  Aujourd’hui, nous sommes avec le Pdci, le Fpi et certains autres partis, sur une plateforme. Nous travaillons tous ensemble, au niveau de l’opposition. Nous avons une démocratie très fragile. Et le pouvoir en place use de moyens que je pourrais qualifier de non conventionnels pour la fragiliser encore plus. Tout le monde trouve que ces alliances sont bonnes , tant que ce ne sont pas des alliances de fortune, tant que ce ne sont pas des alliances exclusives, c’est-à-dire qu’on n’est pas dans la logique d’être contre quelqu’un, mais on est pour quelque chose, on est pour que la Côte d’Ivoire se réconcilie avec elle-même, on est pour la défense de nos atouts démocratique, pour un retour à nos valeurs fondamentales. Je ne peux que me réjouir de tous ces rapprochements.
Nous avons vécu de nombreuses crises. Des moments difficiles. Il y a eu de nombreux morts dans notre pays. Alors, si les filles et les fils de ce pays décident de marcher la main dans la main, d’avancer ensemble, je ne peux que me réjouir.
 
 
Tous les hommes politiques n’ont le mot réconciliation à la bouche. Quelle est votre recette pour qu’elle soit effective, 9 ans après la crise post-électorale ?
Quand vous me parlez de 9 ans, je vous trouve un peu indulgente. Car, la crise en Côte d’Ivoire date de 1993. Nous n’avons que les conséquences de cette crise de succession survenue après le décès de Félix Houphouët-Boigny. Le peuple a été pris, et continue d’être pris en otage par deux, trois leaders. C’est contre cela que veut lutter.  Dès 2012, en amorçant mon premier mandat, je suis allée au niveau de la Commission dialogue vérité et réconciliation (Cdvr. Ndlr) qui venait d’être mis sur pied par le Président Ouattara.
 
 
Et que présidait l’ex-Premier ministre Charles Konan Banny …
Tout à fait ! Parce qu’en 2011,  le Président Ouattara avait expliqué qu’il voulait aller à la réconciliation. En 2012, je suis allée voir Monsieur Banny et je lui ai dit, en tant que plus jeune élu du parlement, à l’époque, que je veux  offrir mon mandat à la réconciliation nationale. Je veux. Je lui ai dit que je veux être un élément, un vecteur de la réconciliation, et qu’il pouvait m’utiliser comme il voulait. J’ai participé à plusieurs missions et travaux de la Cdvr. Il faut savoir que la commune de Cocody dont je suis la député, est celle qui abrite les universités. Elle abrite la résidence du Président de la république, celles des ministres, des ambassades et autres. Au  niveau de Cocody, les combats ont été très violents. C’est dans cette commune que se trouvait la résidence du Président Gbagbo. C’est là-bas qu’il y a eu toutes ces bombes, tous ces morts. Les cités universitaires, certaines ont été attaquées, par ce que les étudiants étaient pris en   étau entre plusieurs camps. Donc, en tant qu’habitants de Cocody, nous avons tous un effort à faire. Et c’est à cela que je m’attelle depuis 2012. Pourquoi la réconciliation n’est pas encore une réussite ? D’abord, en mon sens, c’est parce qu’il n’y a pas eu assez de vérités.
 
 
Est-ce qu’il faudrait rapprocher les trois acteurs principaux de la scène politique …
Pas vraiment. La Cdvr a mené de nombreuses études. Elle a interrogé une multitude de témoins. Mais, les rapports n’ont jamais été divulgués. Ils ne sont pas accessibles à la population. Il est bon, en mon sens, que tout le monde soit sensible à l’histoire récente du pays. Qu’on en tire les conséquences pour qu’on puisse réajuster les comportements.
 
 
Vous dites de la classe politique ivoirienne qu’elle est déconnectée. Que lui reprochez-vous ?
Je dis à la population que la classe politique se fréquente. Parfois même, par les jeux d’alliance, on peut se retrouver ami à celui qu’on critiquait hier. Il faut donc que la population comprenne que le jeu politique et la réalité sociale ne sont pas du tout la même chose. Je trouve que, depuis 20 ans 30 ans, l’offre politique ivoirienne a du mal à se renouveler. Je trouve également, que parce que les scrutins manquent de transparence, ils ont été émaillés de violences. Les populations vivent une sorte de désamour avec les politiques. Il faut leur montrer qu’il y a une alternative, que les choses peuvent aller différemment.
 
 
 
Le Président Ouattara ne cesse de dire qu’une nouvelle génération d’hommes politiques arriverait à la tête de la Côte d’Ivoire. Vous y croyez ?
Le Président Ouattara à 75 ans. Moi, j’ai 40 ans. Qu’entend-il par une nouvelle génération ? Quelqu’un qui a 60 ans ? Est-ce quelqu‘un qui a 50 ans? Il faut savoir que 70% de la population ivoirienne a moins de 35 ans. Qu’entend-t-il par nouvelle génération ? Est-ce de personnes nouvelles, ou des anciens visages qui sont plus jeunes, en termes d’âge ? Est-ce que ce seront les même vieux réflexes ? Parce qu’on bien trouver quelqu’un de 40 ans, mais qui a des réflexes politiques absolument pas actualisés. Des réflexes en inadéquation avec ce que la population recherche.
 
 
Qu’attendez donc de cette élection de 2020 ?
D’abord, j’espère que les ivoiriens iront se faire enrôler. C’est vrai que nous, au niveau de l’opposition, nous faisons tout ce que nous pouvons pour que la carte nationale d’identité soit gratuite. Que le coût de confection soit supporté par le budget de l’État. Un budget conséquent qui peut supporter cette charge. On se souvient que la rébellion de 2002 et la crise qui a suivie, avait comme point d’explication, le problème d’identification et de nationalité. En plus, en 2009, la carte nationale d’identité avait été confectionnée gratuitement pour les populations. Elle n’a pas pesé sur le budget des ménages. Aujourd’hui, nous sommes en 2019, on nous parle d’une carte nationale d’identité qui va coûter  5000 F CFA. C’est très cher pour l’ivoirien moyen. Le Smig en Côte d’Ivoire, c’est 65 000 F CFA. Mais, ils sont nombreux à être payés en deçà. Vous voyez donc que pour des personnes de plus de 16 ans, savoir que la seule façon d’aller voter en 2020, c’est d’avoir la carte nationale d’identité, cela risque de freiner leur ardeur. Et, pour une population de plus de 23 millions d’habitants, on va encore se retrouver à une liste électorale qui sera autour de 6 à 7 millions F CFA de personnes. C’est bien en deçà de toutes les personnes qui ont, pourtant, le droit d’aller exprimer leur suffrage.
 
 
 
 
 
Retranscrit pas J-H K

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